Shim Chong, fille vendue de Hwang Sok-yong

« Shim Chong est une figure mythique de l’imaginaire coréen.

Dans son village de Hwangju, Shim Chong à la poisse : son père est aveugle et sa mère meurt peu après sa naissance. Son enfance est misérable, faite de mendicité et de dévotions aux devoirs filiaux. Un jour un moine qui vient de sauver le père de la noyade, lui apprend que, s’il fait don de trois cents sacs de riz à son monastère, il recouvrera la vue. Pour financer l’achat, Chong, qui a seize ans, accepte de se vendre à des marchands de Nankin en quête d’une vierge qu’ils sacrifieront aux démons des vagues et des tempêtes afin de s’assurer une traversée paisible. Après moult prières et lamentations, Chong est jetée à la mer. Émus les dieux de ciel ordonnent aux dieux des quatre océans d’accueillir honorablement une jeune fille aussi dévouée. »

Là, s’arrête la ressemblance avec le mythe.

Après cette épreuve Chong, baptisée Lenwha (fleur de lotus) sera vendue à Chen, octogénaire et riche marchand de Nankin (Chine) père de trois enfants. Le vieux Chen s’en ira, d’une mort enviable, en tentant de prendre la virginité de Chong. « — Monsieur, qu’est-ce qui ne va pas ? L’homme pesait plus lourd que d’ordinaire. Elle le repoussa, parvint non sans mal à se dégager. Il gisait sur le lit, tel qu’il s’était affaissé. Chong le retourna en le tirant par l’épaule. Ses yeux grand ouverts fixaient le vide (…) elle abaissa les paupières du vieillard en soutenant son poignet de son autre main. — Il est mort, admit-elle. »

Deuxième concubine de Chen, elle fut invitée à quitter la demeure après avoir respecté le délai légal des obsèques. Mais avant Guan le plus jeune fils lui prit son pucelage « La douleur ressentie par Chong (…) n’avait été que momentanée. Elle eut l’impression que le feu lui emplissait le ventre. Le vieillard avait initié l’éveil de ses sens mais lorsque très vite il s’assoupissait, elle ressentait une sorte de vide comme s’il ne s’était rien passé. À présent, une fois la douleur oubliée, une sensation puissante, envoûtante, l’emportait, ranimant une sorte d’angoisse venue du profond d’elle-même. Quelque chose comme de l’eau qui bout : au départ, de petites gouttes montent les unes après les autres, puis elles deviennent de plus en plus énormes, finissent par occuper toute la surface, et l’eau toute entière se met à tanguer. »

Guan troque l’opium contre le thé, l’argent en est la raison. Il investit dans le Pavillon du bonheur et des plaisirs, un cercle de jeux où des hôtesses incitent les clients à boire et même plus. Il présente Chong à mama Kiu, la lingia (patronne des hôtesses) qui aussitôt comprend qu’il est épris d’elle.

Mais la Chine livre un combat contre les trafiquants d’opium et Chong sert à corrompre les autorités du pays pour sauver Guan, son amant et maître et ses frères. Avant qu’elle n’offre son corps en gage, avec le consentement de Guan, fou de jalousie, Kiu la lingia, lui explique à propos des hommes que : « il ne faut en avoir qu’un seul dans la peau (…) Avec les autres quand tu es travail, il s’agit de feindre, exactement comme au théâtre. »

Au fil du temps et parce qu’elle est jeune, belle et attrayante, Chong devient une hwajia (meilleure courtisane de la maison.) Elle apprend la musique et le chant pour divertir les clients. Amoureuse de son maître de musique, elle l’épouse. Ensemble ils fuient lorsque les anglais avec leurs canons et leurs armes à feu prennent la ville de Jinjiang défendue par une armée chinoise, mal armée, rapidement en déroute. Mais le sort veut que la convoitise et l’avidité de gens malintentionnés, les séparent à jamais. Chong, entre les mains de trafiquants de femmes, violée en collectivité, est vendue pour un bordel de bas-étage de Formose (Taïwan).

Dans cette maison d’abattage, elle sait se distinguer et monnayer sa liberté en se faisant racheter par une maison de meilleure qualité. Là, elle fait connaissance avec les occidentaux qui fréquentent la maison. James, un anglais, achète sa liberté pourvu qu’elle vive avec lui comme concubine, rémunérée.

Le voyage et les rencontres de Chong sont incessantes avec pour seul but de revenir à sa terre natale.

J’ai beaucoup aimé ce livre de 550 pages même si le sujet n’est pas drôle et permet à l’auteur de dénoncer l’esclavage sexuel au 19ème siècle en Asie. Ce roman nous emmène de Corée, en Chine, à Formose, puis Singapour et au Japon sur les traces de cette jeune fille vendue contre quelques sacs sacs de riz, prostituée en devenir mais femme exceptionnelle.

Si la vie de Shim Chong n’est pas de tout repos, elle n’en est pas moins intéressante. Elle a une telle force de caractère qu’elle ne baisse jamais les bras, ne se plaint jamais et va toujours de l’avant. Son objectif est de rentrer chez elle et qu’elle soit amoureuse ou courtisane, elle le poursuivra. Si son sort n’est pas enviable l’auteur ne tombe jamais dans la facilité ni dans la compassion.

C’est bien écrit, vivant. C’est très érotique mais tellement plaisant. Au passage quelques évènements historiques, les guerres de l’opium opposant la Chine et le Royaume-Uni puis la France, le Portugal et même la Russie ou les États-Unis.

C’est un cri vers la liberté.

Une chose est sûre ce roman publié chez Zulma, emprunté à la médiathèque, aura une place dans ma bibliothèque. Monsieur Han, l’autre roman qui a fait la renommée de Hwang Sok-Yong figure désormais dans ma PAL.

L’auteur :

Coréen de Pyongyang (Corée du Nord) exilé en 1947 à Séoul, a vu sa patrie décimée par la guerre. Puis enrôlé par l’armée américaine il combattra au Vietnam, pour une cause qui n’est pas la sienne. En 1980 alors qu’il retournera à Pyongyang pour soutenir la cause des artistes coréens il sera emprisonné pendant quatre ans.

Hwang Sok-yong est un militant pour la liberté, considéré par certains comme le Zola oriental.

La couverture :

Nous sommes à la fin du XIXe siècle. En ces temps de disette et de corruption, la traite des enfants est un commerce qui alimente un immense trafic mafieux dans toute l’Asie du sud-est. Shim Chong n’échappe pas à la règle : vendue adolescente, elle va connaître tous les aléas d’un négoce sexuel florissant, des rives du fleuve Jaune aux ports de Shanghai, Taiwan ou Singapour, de la prostitution la plus sordide à la haute courtisanerie des geishas. Le parcours initiatique de la jeune Shim Chong s’inscrit de façon magistrale dans une impressionnante saga de la prostitution et des métiers de la séduction, à une période charnière où l’Asie, sur fond de guerre de l’opium et de trafic d’armes, s’ouvre aux impérialismes occidentaux. En romancier au souffle épique, fort d’un engagement qui l’apparente aux Zola, Dos Passos ou Soljenitsyne, avec sa vision aiguë du mouvement de l’Histoire, Hwang Sok-yong nous livre une somptueuse fresque romanesque. « Hwang Sok-yong est aujourd’hui sans conteste le meilleur ambassadeur de la littérature asiatique ». Oe Kenzaburo (Prix Nobel de Littérature)

Voici le billet qui m’a incité à cette lecture  isabelle-passions dans le cadre du Challenge du Dragon 2012 sur le blog de la culture se partage

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4 réflexions au sujet de « Shim Chong, fille vendue de Hwang Sok-yong »

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