En cent mots avec Raymond Queneau
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La porte grince quand je l’ouvre, je sais depuis longtemps ce qu’il y a derrière mais j’ai toujours les mêmes frissons. Je tâtonne sur le mur pour allumer l’ampoule nue. Je sais que l’escalier est raide et louper une marche serait fatal. La lumière m’éblouit. Sur le mur sont pendus les balais, la pelle leurs ombres désagréables m’inquiètent déjà. Je descends les marches avec circonspection.
Mon cœur s’emballe. Sans doute que j’aime me faire peur. L’endroit est vide sans vie.
Lorsque j’arrive dans la première pièce éclairée par la lucarne, je découvre ce qui traîne sur les étagères recouvertes de poussière. Je n’arrive pas à m’y habituer.
Quelque chose crisse derrière moi, je me fige, ma colonne vertébrale se raidit, je ne bouge plus , aux aguets. Je retiens ma respiration. J’attends avec angoisse, presque tremblant.
Le temps passe, mon dos est contracté. Dans ma tête des choses insensées m’assaillent. Me précipiter dans l’autre pièce encore plus noire n’arrange rien., les outils de mon grand-père s’étalent, fourche, faux, trident, ciseaux à bois dont les dents ou lames brillent dans la pénombre.
Je rebrousse chemin, monte les escaliers quatre à quatre et referme la porte très vite.
– Pourquoi t’es essoufflé comme ça ? demande ma grand-mère.