Vous avez dit maboule ?

logoPlongée dans ses rêves elle sourit béatement. Son imaginaire lui permet de vivre une vie différente, déconnectée de la réalité. Elle se laisse guider, s’immerge, se noie dans ses illusions.
Si son quotidien est sombre, bouché ou noir, lorsqu’elle s’allonge sur le lit, que le sommeil la gagne, ses nuits deviennent des jours heureux emplis de soleil, d’un jaune rayonnant.
Parfois elle sursaute, s’éveille, crie à la farce et replonge dans sa léthargie sans demi-teinte.
Les médicaments l’abrutissent, ses hallucinations la poursuivent, l’obsèdent.
Elle sait chaque matin qu’elle a dépassé les bornes, que les ors auxquels elle songe ne sont que chimères mais c’est aussi vital pour elle qu’une bonne inspiration.
Elle a construit sa vie autour d’elle, fermant les portes, condamnant les issues, tout ça à cause d’un crétin.
Il l’a blessée, humiliée, avilie.
Elle l’aimait bien sûr mais ne comprenait pas qu’il lui renvoie ce sentiment. Elle se trouvait moche et quelconque. Elle fut surprise de son attention, s’est laissée séduire comme une idiote.
Rien qu’une bague anodine, une espèce de jonc de pacotille, même pas la facture d’un joaillier et elle s’est donnée à lui. Pire qu’une putain pense-t-elle.
Quelle honte !
Elle ne fit pas de crêpage de chignon, c’était inutile.
Elle s’est conduite comme une dinde, elle peut le dire maintenant avec le recul.
En plus il n’était ni attentionné ni particulièrement doué. Elle a souffert de son indélicatesse.
Il a eu beaucoup de mal à la soulever de son fauteuil roulant pour la déposer sur le lit, elle en rit encore aujourd’hui.
Il hurla lorsqu’elle l’étrangla.
L’infirmier passe la tête dans le regard, c’est la première fois qu’ils ont une handicapée dans ce service psychiatrique.

 Écrit pour l’atelier des mots, une histoire d’Olivia Billington

Les mot qu’il fallait utiliser : jaune – or – joailler – bague – jonc – surprise – farce – dinde – idiote – crétin – crêpage – rêve – sommeil – lit

Quai des Orfèvres

Quai_des_orfèvres

Le capitaine Laflèche semblait soudain très affairé. Le commandant venait de le convoquer dans son bureau, c’était inhabituel. Machinalement il attrapa sa veste, prit un bloc et un crayon comme s’il allait en réunion et s’enfila dans le dédale de couloir vers le bureau de son supérieur.

Bien sûr il dut passer par le bureau de ses collèges pour se rendre à la convocation du commandant et subir les railleries de ceux-ci. Lafleur, le grand blond, lui tapota les fesses en disant ; « ça va ma poule ? » Laflèche le rembarra aussi furieusement qu’il put l’envoyant valdinguer sur le bureau près de la fenêtre. Lépitre, l’autre collègue, rit aux éclats et moqueur dit d’une voix de mêlécasse, censée l’imiter : « Je n’aime pas la tiédeur des sentiments. » Le capitaine Laflèche hissa la main droite, le majeur haut levé à son encontre et murmura : « Vas te faire foutre. »

Derrière la porte en verre, un furibard : « C’est quoi ce bordel ? » mit fin instantanément au pugilat qui semblait s’initier.

Le feu aux joues, Laflèche frappa à la vitre de la porte du bureau et attendit l’ordre. « Entre » hurla la forme masquée derrière le verre cathédrale. « C’est toi qui fous la merde » dit-il sans lever la tête. Le commandant Durieux, une peau de vache finie, termina son boulot, cocha une case, tourna une page, revînt en arrière, biffa une phrase puis soudain, tapant des deux mains sur le bureau, hurla : « assieds-toi. »

Laflèche resta debout.

« Dis donc petit con, c’est pas parce que ton oncle travaille au Ministère de la Justice que tu vas m’emmerder. » Laflèche sourit ouvertement depuis sept ans c’était toujours la phrase qu’on lui balançait mais il répondit : « Eh ducon tu veux te retrouver aux archives à compter les araignées, t’as qu’un mot à dire et j’te pistonne. »

L’autre releva la tête, le visage colérique, les dents serrées et grommela : « Ta gueule. » Laflèche sourit ouvertement : « Toi et tes deux petits pédés d’à côté, je vous conseille s’arrêter de me faire chier. » Il sortit de sa poche un téléphone mobile allumé qu’il tendit à son supérieur.

Interloqué, l’autre le regarda, posa le combiné sur son oreille gauche et écouta : « Commandant Durieux, je suis le lieutenant-colonel Laflèche, détaché auprès du Ministre de l’intérieur, je ne sais pas quelle mouche vous a piqué, j’ai tout entendu depuis l’altercation avec vos sous-fifres jusqu’à la façon dont vous apostrophez mon neveu. Sa carrière est toute tracée et en tout état de cause je ne laisserai pas une bande d’incapables se mettre en travers de sa route. Je lui ai conseillé d’enregistrer toute les conversations, comme cela a eu lieu en haute sphère, s’il vous venait à l’idée de ne pas lui rendre son téléphone, sachez qu’il a dans sa veste un enregistreur numérique haut de gamme et que la discussion que nous tenons en ce moment est aussi enregistrée, n’importe quelle absence suspecte de mon neveu vous incombera, c’est clair ? »

Le capitaine Laflèche était toujours debout adossé à la cloison, un sourire au coin des lèvres. Il dévisageait son supérieur. Durieux était rouge de colère, comme un taureau aiguillonné par les banderilles d’un picador, pour un peu le capitaine sentirait l’haleine chaude et fétide de l’animal blessé sortir par ses narines poilues. L’interlocuteur continua :

« Appelez vos deux bras droits, Lafleur et Lépitre, et dites à ces petites fientes que sous quinze jours, ils devront se présenter au commissariat du 13eme arrondissement de Marseille. Nous renforçons les effectifs là-bas et j’ai comme l’impression qu’ils vont un peu serrer les fesses, ça leur fera du bien. J’entends votre fax commandant, si c’est ce que je pense, nous faisons appel à vos compétences, ceci était épinglé sur le sein gauche de la maitresse du Ministre de l’Intérieur, retrouvée morte ce matin. Je vous invite à faire travailler vos méninges très, très vite, vous êtes assis sur une poudrière. Vous avez sept jours pour résoudre ce petit problème. À bientôt. »

Laflèche reprit son téléphone, attrapa le fax qu’il remit à son commandant, qui lût tout haut : « soutien – famille – convivial – repas – réunion – confrérie – confrontation – humilité – orgueil – arrogance – mépriser – morgue – autopsie – trouver – réponse. »

desmots, unehistoireÉcrit pour l’atelier d’écriture d’Olivia avec les consignes suivantes :

Soit vous prenez tous les mots, soit vous n’en sélectionnez que cinq et vous ajoutez la consigne suivante : un des personnages doit dire « je n’aime pas la tiédeur des sentiments ».

Et la liste de mots que j’ai utilisée telle que :

soutien – famille – convivial – repas – réunion – confrérie – confrontation – humilité – orgueil – arrogance – mépriser – morgue – autopsie – trouver – réponse

Le sirop de la rue 1

pavesJe ne suis pas ce qu’on fait de mieux dans le genre humain mais je m’assume et je vis en accord avec moi-même. Les erreurs je les collectionne et jamais je ne dirai c’est la faute à…
Je suis fataliste, c’est comme ça.
Le fric, je le gagne à ma façon, je vends du crack mais contrairement à l’alcool ou au tabac qui tuent aussi, ce que je vends est illégal. On me surnomme Nick le bitume, le bitume parce que je l’arpente du matin au soir et Nick parce que je suis prêt à filer du plaisir à qui le réclame.
Quand j’étais petit ma mère m’abreuvait de proverbes et je m’en rappelle que d’un seul : « La tête ne sert pas qu’à retenir les cheveux. » J’y ai beaucoup réfléchi depuis et j’y pense chaque matin lorsque je me réveille.
Carotte, ma rivale, tape l’asphalte comme moi, dans la rue c’est marche ou crève, elle est mon ennemie le jour mais de temps en temps la nuit, elle partage mon squat. La vie c’est comme les échecs, un jour on joue avec les pions blancs, un jour avec les noirs. Si on la surnomme Carotte, ce n’est pas à cause de la couleur de ses cheveux, c’est plus intime, pas très subtil j’en conviens mais c’est sa marque de fabrique. De son corps Carotte fait comme avec la vie, elle en abuse et collectionne les amants comme les bigotes collectionnent les chapelets mais confidence pour confidence, si Carotte est un garçon manqué elle a un cul à faire se damner un saint
Évidemment sillonner le trottoir comme ça n’est pas sans conséquence. Les jours où je suis plein d’oseille, je deviens la proie. La rue c’est quand même pas la joie. Il y a des yeux partout qui surveillent, des rapaces prêts à se nourrir de charognes. J’ai accepté les risques il y a longtemps déjà, je n’ai plus le choix. Comme au jeu il faut duper pour déstabiliser son adversaire, ça marche ou pas. Quand je perds, c’est le fiasco, je me fais dépouiller et tabasser à mort. L’hôpital devient alors mon havre de paix, on me répare, on me bichonne, on me lave le cerveau espérant que j’ai la sagesse de faire autre chose de ma vie.
Ce que je fais n’est pas de tout repos, il n’y a pas d’assurance vieillesse et j’en suis conscient. Comment fait-on pour en arriver là ? Il y a toujours une main secourable, prête à offrir le Paradis quand tu es au trente sixième-dessous. Le fric, l’argent facile, la belle caisse, les fringues de marque, ton petit boulot te donne tout ça, absolument tout et même plus. Parfois tu récoltes la prison mais ça c’est une histoire, on en reparlera peut-être un jour.

desmots, unehistoire

les mots à utiliser : sagesse – proverbe – absolument – subtil – vieillesse – ennemie – adversaire – jeu – échecs – fiasco – erreur – accepter – joie – plaisir – offr

Le cinquantième anniversaire

Champs de blé avec cyprès
Champs de blé avec cyprès

Au milieu de la pièce, Cléa paradait avec élégance dans sa magnifique robe beige achetée rue Saint-Honoré. À ses côté Simon Pierre de la Vigie, playboy, héritier de la chaîne de luxe Elltoys, qui connut un développement extraordinaire dans les années 2010, lui tendait un plateau sur lequel trônait une magnifique coupe en baccarat, pleine aux trois quarts d’un champagne qu’elle adorait.

Pierre de la Vigie avait beaucoup de prestance, il faut dire qu’il avait évolué dans un monde où l’argent coulait à flots. Son père réussit l’exploit d’intéresser ces dames de la bourgeoisie avec des jouets intimes aux matières exceptionnelles. Pierre était sûr que plus de la moitié des sacs à mains des invitées, contenait l’un des joujoux qu’il commercialisait.

Son père avait mis un point d’orgue à pénétrer ce milieu fermé avec ses petits bijoux, car c’était effectivement ce qu’il parvint à faire de ces objets, réalisés à la demande dans les matières telles que l’or, l’argent, le verre, le cuir ou même les diamants. Tout était à la demande, le raffinement à l’honneur.

La bataille avait été dure pour s’imposer dans ce milieu régit par la pègre même la barbarie à laquelle il avait dû faire face n’avait pas entamée sa détermination. Aux coups bas qu’on lui fit il répondit avec la même cruauté. Mais la partie avait été gagnée parce que les cibles qu’il visait n’étaient pas convoitées par le milieu.

Voilà l’histoire familiale et pourquoi Pierre était assis sur un confortable matelas de laine. Il avait repris le flambeau derrière son paternel. Ses bureaux et ses ateliers étaient installés face au Palais de L’Élysée, au fond d’une cour, la porte d’entrée en verre cathédrale était surmontée d’une magnifique gargouille dorée à l’or fin qu’il avait reproduite comme logo de l’entreprise.

Ce soir il fêtait les 50 ans de Ellstoys dans les salons privés du château de Saint-Germain. Il était inquiet parce que le temps était exécrable, la pluie tombait sans discontinuer depuis le matin. Une des gouttières dans l’angle du bâtiment se déversait sur les pierres de la cour et éclaboussait les convives qui arrivaient. Ce sale temps lui rappelait son voyage à Hanoï en pleine mousson qui aurait été désastreux sans la présence de ces jolies vietnamiennes au doux sourire, qui lui avaient fait oublier la moiteur ambiante.

La jolie Cléa accusait maintenant quelques rides, dix ans qu’elle représentait l’entreprise sans discontinuer partout dans le monde, il était temps de redonner un nouvel essor à la marque. Pierre songeait sérieusement à remplacer sa muse mais il ne savait pas comment le lui annoncer. La société de marketing avait sélectionné quelques nouvelles têtes envoyées par des agences de casting et prêtes à prendre la succession, elle n’attendait que son assentiment.

Ceci ajouté au mauvais état de santé de son père, cette fête s’annonçait sous de mauvais augures. La salle se remplissait, ministres et présidents de ceci ou cela accompagnés de leurs épouses ou de leur égéries sablaient le champagne tandis que le service était assuré par de jolies créatures aux sourires chaleureux.

Sur l’estrade un chevalet supportait le cadeau qu’on venait de lui offrir pour cette occasion, un tableau qu’il aimait particulièrement, le troisième exemplaire non détenu par un musée, intitulé : Champs de blé avec cyprès de Vincent Van Gogh, peint en 1889 à Saint-Rémy de Provence. Il détenait dans la poche intérieure de sa veste, le certificat de vente et celui d’authenticité. Il fut profondément ému de recevoir ce somptueux cadeau. À plusieurs reprises, Il s’était rendu à la National Gallery de Londres et au Metropolitan Museum of Art de New-York rien que pour regarder ce fabuleux tableau. Il aimait ce ciel tourmenté, ce cyprès plié et les blés courbés par les alizés, qui lui rappelaient ses jeunes années d’adolescent passées dans le Sud de la France.

Remercier Cléa ce soir lui coutait, d’autant plus qu’elle avait œuvré pour qu’il ait ce magnifique présent. C’est elle, qui dans l’ombre, avait contacté tous les invités pour lever des fonds et vaincu la résistance de l’ancien propriétaire à qui elle avait fait une offre mirobolante pour qu’il s’en dessaisisse. Elle était très fière d’elle, fière d’être la maitresse de Pierre.

Aussi lorsqu’il lui fit part des nouvelles orientations de la société dans laquelle elle n’avait plus sa place, elle se décomposa devant lui et lâcha le verre en cristal de baccarat qui se brisa en mille morceaux, faisant se retourner les gens autour d’elle. Avant de tourner les talons, elle lui lança d’une voix cinglante, portée par un silence de plomb : « Inspire-toi de tes sextoys parce que tu es vraiment un piètre amant. »

desmots, unehistoire

Les mots à utiliser :  élégance – prestance – raffinement – cruauté – barbarie – orgue – cathédrale – gargouille – gouttière – pluie – mousson – alizés – moiteur – douce – laine

Atelier d’écritures chez Olivia : des mots, une histoire

Les cahiers de Lulu

L’atelier d’écriture chez Olivia avec la liste de mots de la semaine :

apaiser – front – tranchée – décision – dilemme – torture – douleur – âme – divin – damnation – effroi – dresser – combattre – chagrin

La bataille de la Somme
La bataille de la Somme

Les tranchées, la gadoue, la pluie. Les bombes qui pleuvent, les balles qui sifflent. La fange, l’odeur du sang partout sur les visages. La peur au ventre. Les compagnons, les frères, les amis qui s’écroulent autour. L’horreur et l’effroi ressenties lorsqu’une une baïonnette transperce un corps, que l’ennemi stoppe dans son élan, le visage ravagé par la douleur.

Combattre. Combattre sans réfléchir. Tuer pour échapper à la mort. Tuer pour défendre sa patrie. Tels sont les ordres, les devoirs dont on m’abreuve. Ni décision. Ni dilemme. Tuer pour éviter de me faire tuer.

Enfer et damnation !

Ces dix-huit mois au front furent une véritable souffrance pour moi. Un purgatoire comme si j’avais cédé mon âme au Diable.

Combien de fois je me réveillai en pleine nuit en proie aux hallucinations, au chagrin. Un cauchemar récurrent me hantait : cet homme torse nu attaché sur une chaise se débattant sous la torture, des électrodes lui brulant la peau ; le corps secoué, désarticulé, les cheveux dressés sur la tête, qui succombe sans trahir.

Je le vécus, je hurlai, révolté. Le capitaine me promit le peloton d’exécution mais il mourut sous les balles avant moi. D’autres se putréfièrent dans ces tranchées sépulcrales, divins festins pour les rats.

Je tentai d’oublier tout ça. Après ma démobilisation, incapable de me regarder dans une glace, je bus chaque jour un peu plus espérant ainsi apaiser mes souffrances, pleurant sur mes jambes perdues au Champ d’Honneur.

Quelques fois lorsque j’étais plus ivre que de coutume, mes souvenirs revenaient avec violence. Je n’oubliai jamais les horreurs que j’infligeai, rien que pour obéir aux ordres, rien que pour sauver ma peau.

Pauvres hères jetés dans des combats sanglants.

Extrait des cahiers de Lulu. Paris 1927

   desmots, unehistoire

Samantha

chiara_rosenberg_by_stefanolanza-d6qwon5J’étais à genoux, nu, et sa cravache s’abattait sur moi. Elle m’ordonnait de lécher ses bottes, chose que je faisais sans conviction et qui me valait des coups répétés au même endroit. Ma vie depuis longtemps était semée de ce genre de fantaisie. Je m’étais accoutumé à la douleur et j’en avais besoin, elle faisait intrinsèquement partie de moi.

Samantha, je la connaissais depuis plusieurs années. J’avais une confiance infinie en elle mais elle ne cessait de me surprendre. Les zébrures occasionnées par sa cravache m’entamaient les chairs et durant la semaine qui suivait ma visite dans sa prison dorée, l’eau de la douche me brulait le dos. Quant à mes fesses, pleines de bleus, il me fallait déployer des trésors d’inventivité pour m’asseoir sans trop souffrir.

Pourquoi je retournais régulièrement au 52 de la rue traversière, je ne le savais pas et je ne cherchais pas à le savoir. J’aimais cette rouquine qui me martyrisait, j’aimais la couleur flamboyante de ses cheveux et j’aimais lorsque l’une de ses mèches rebelle cachait son œil peinturluré façon Alice Cooper, d’ailleurs le fond sonore diffusait des standards de l’artiste tel que Bed of nails, Poison, Spark in in the dark ou Die for you.alice-cooper

J’obtins rarement qu’elle fut nue sauf après d’âpres discussions et quelques billets supplémentaires négligemment abandonnés dans la coupe en cristal destinée à cet effet. La première fois ce fut par curiosité, je souhaitais savoir si elle était naturellement rousse et lorsqu’elle dévoila son pubis orné d’un mince gazon taillé en épi de blé, j’eus la réponse à mon interrogation. Il va sans dire que lui imposer une condition me valut une correction exceptionnellement sévère. Elle était déchainée, sa badine me frappait la peau avec une rapidité effarante et je sentais presque des gouttes de sang s’accrocher à celle-ci. Samantha était en sueur, j’en respirais les effluves qui provoquèrent une violente montée d’adrénaline et une tension subite qu’elle refroidit en me giflant.

Il m’arrivait souvent d’avoir les larmes aux yeux, d’espérer un temps mort qu’elle m’accordait temporairement lorsque j’étais pendu par les pieds au plafond. Quelquefois ma poitrine était en sang parce que les pinces qu’elle y accrochait étaient trop serrées ou parce que j’avais trop gigoté espérant me soustraire à leurs morsures.

Ces séances nous épuisaient l’un et l’autre. Et c’est ensuite, allongé sur les sofas que j’écoutais sa voix rauque, signe distinctif d’une fumeuse invétérée, raconter ses passions, ses envies, ses lectures qu’elle me persuadait de découvrir. Elle aimait parler pendant qu’elle me passait un onguent sur les plaies, Elle me contait sa vie d’étudiante, sa vie de dévergondée à la Fac, celle qui la mena sur ce chemin de traverse.

Elle ne cherchait ni indulgence ni compréhension elle parlait d’elle, simplement. Bien souvent elle s’aventurait à fouiller les recoins de mon cerveau pour essayer de comprendre ce qui pouvait mener un homme à recevoir ce traitement si particulier. Je ne le savais pas moi-même. J’avais longtemps réfléchi à la question sans en connaître la réponse. Était-ce du fait de ma vie d’enfant battu ou bien à cause de mes maladresses avec les femmes ? Je ne savais pas. Quant au concept de souffrir pour trouver du plaisir, il me semblait complètement absurde. Je ne perdais pas mon temps à chercher des explications parce que je savais que la vraie raison ne pourrait que nuire à mon équilibre, mieux valait parfois se voiler la face qu’être confronté à ses turpitudes.

« À bientôt » ordonna-t-elle, refermant la porte sur moi.

Texte écrit pour l’atelier d’écriture des mots, une histoire chez Olivia, Les mots du jour : Dévergonderfantaisierebellemèchecheveuxépiblépré – pâquerette – gazonbottecravache