« Je m’amusais simplement avec le Beretta en me disant : si je veux, je peux.
C’est un des traits regrettables de mon caractère. J’avais fait à peu près pareil pour la bouteille. J’ai stoppé net quand le toubib m’a annoncé que j’avais largement entamé la dernière ligne droite. Six mois maxi : à ce train-là, c’était tout ce qu’il me donnait avant de crever. Or, n’était-ce pas précisemment ce que j’étais censé vouloir ? Le but soi-disant recherché : crever ?
Pourtant, le soir même, j’avais enfoui ma dernière ration de vodka dans le jardin sous quarante centimètres de terre. Une bouteille pleine. Je n’avais pas marqué l’amplacement exact. L’herbe avait repoussé. Mais je savais que le poison était quelque part par-là. Si je veux, je peux.
Trop lâche pour avoir des convictions.
Ma conclusion est que le mal-être finit par devenir une sorte de seconde nature. On y tient. On s’y vautre. Et l’autocomplaisance est l’une des meilleures nourritures que je connaisse pour l’alimenter. »
Garden of Love, Marcus Malte, Folio policier, page 52