Fin de la guerre, dans la vieille ferme de Mato Rujo, Manuel Roca voit arriver la vieille Mercedes sur le chemin. Il sait qu’ils viennent le tuer. Il ordonne à son fils d’aller chercher les fusils et pendant ce temps il cache Mina, sa fille, sous le plancher qu’il recouvre de panières à fruits. Elle se terre en chien de fusil et écoute tout ce qui se passe.
Ce roman commence par une vengeance, alors que la guerre est finie, chacun voulant régler ses comptes oubliant que les tribunaux peuvent aussi juger les crimes de guerre.
C’est un roman très court, émouvant, poignant mené tambour battant, sans cesse rebondissant, plein de charme et d’émotion.
Histoire difficile d’une vengeance menée avec beaucoup de pudeur et qui ne peut laisser indifférent.
Un des meilleurs livres que j’ai pu lire ces dernières semaines.
Quatrième de couverture :
Dans la campagne, la vieille ferme de Mato Rujo demeurait aveugle, sculptée en noir contre la lumière ducrépuscule. Seule tache clans le profil évidé de la plaine. Les quatre hommes arrivèrent dans une vieille Mercedes.
La route était sèche et creusée – pauvre route de campagne. De la ferme, Manuel Roca les vit. Il s’approcha de la fenêtre. D’abord il vit la colonne de poussière s’élever au-dessus de la ligne des maïs. Puis il entendit le bruit du moteur. Plus personne n’avait de voiture, dans le coin. Manuel Roca le savait. Il vit la Mercedes apparaître au loin puis se perdre derrière une rangée de chênes. Ensuite il ne regarda plus. Il revint vers la table et mit la main sur la tête de sa fille. Lève-toi, lui dit-il. Il prit une clé dans sa poche, la posa sur la table et fit un signe de tête à son fils. Tout de suite dit son fils. C’étaient des enfants, deux enfants.
Extraits :
« Son père lui demanda quelque chose. Elle répondit. Elle s’était couchée sur le côté. Elle avait replié ses jambes et se tenait là, pelotonnée, comme si elle était dans son lit, avec rien d’autre à faire que s’endormir, et rêver. Elle entendit encore son père lui dire quelque chose avec douceur, penché sur le plancher. »
« Nina se rappela cette chanson qui commençait par : compte les nuages, et le temps viendra. Après ça parlait d’un aigle. Et ça finissait avec tous les nombres, les uns après les autres, de un jusqu’à dix. Mais on pouvait aussi compter jusqu’à cent, ou à mille. Une fois elle avait compté jusqu’à deux cent quarante trois. Elle pensa qu’elle allait se lever et qu’elle irait voir qui étaient ces hommes, et ce qu’ils voulaient. Elle chanterait toute la chanson puis après elle se lèverait Si elle n’arrivait pas à ouvrir la trappe, elle crierait, et son père viendrait la chercher. Mais elle resta comme ça, couchée sur le côté, les genoux remontés vers la poitrine, les chaussures en équilibre l’une sur l’autre, la joue qui sentait la fraicheur de la terre à travers la laine rêche de la couverture. Elle se mit à chanter cette chanson, avec une toute petite voix. Compte les nuages et le temps viendra. »
L’auteur :
Alessandro Baricco est né à Turin en 1958. Il a étudié la musique et la philosophie.