Police

J’ai commencé à écrire ce texte ici mais ils peuvent être lus indépendamment l’un de l’autre  

La police était là dans l’immeuble. Déployée à chaque étage comme une colonie de fourmis. La porte du deuxième était ouverte. Le sang goutait du plafond et s’écrasait grassement par terre en plein milieu de la salle à manger. La peinture craquelait sous le poids.

policeElle était là prostrée sur le canapé. L’inspecteur, calepin à la main avait posé bien des questions. Elle avait levé les yeux sans ouvrir la bouche. Ses mâchoires étaient crispées, aucun son ne sortait de sa gorge.

Elle revivait l’instant où Pierre-Henri l’avait coincée contre le mur, l’instant où elle l’avait assommé avec le cendrier.

Les hommes en blanc, gantés avaient gravi les marches de l’escabeau, prélevé le liquide, puis déposé dans un flacon en plastique au couvercle rouge comme un flacon de poivre du supermarché.

Ils n’avaient pas eu à faire sauter la serrure à l’étage au dessus, le concierge avait la clé. Par curiosité elle serait bien allée voir mais elle était incapable de bouger. D’ailleurs elle se demandait comment le corps humain possédait autant de sang, ça la surprenait.

Elle entendait les flics monter, descendre. Ils étaient soucieux. Les ambulanciers étaient montés puis redescendaient sans blessé ni cadavre.

Les techniciens même sans analyse poussée affirmaient que c’était du sang. Un flic à l’air grave s’agenouillant devant elle lui demanda ce qu’il s’était passé.

Elle n’expliqua rien, elle comprit à les entendre qu’il n’y avait ni blessé, ni cadavre. Le voisin du dessus n’était pas chez lui. L’inspecteur l’interrogea de nouveau.

Elle sut à ce moment là qu’elle n’avait rien à dire, rien à expliquer, qu’ils n’avaient pas de piste. Elle se leva subitement, sorti de chez elle, enjamba les marches quatre à quatre, pénétra dans l’appartement de Pierre-Henri sans que personne ne l’arrête.

Elle se précipita  dans la salle le cendrier avait disparu. Il n’y avait aucune tâche par terre.et dans la chambre tout semblait en ordre.

Le concierge la regardait abasourdi, lui non plus ne comprenait rien. c’est lui qui avait appelé la police lorsqu’elle avait crié en voyant cette tâche s’aggrandir chez elle.

Il y avait juste un mot à la place du cendrier indiquant : « Chérie je m’absente quelques jours. »

Elle savait qu’il vivait seul, elle savait que ce mot était pour elle.

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Si on m’avait dit

La consigne de la semaine des impromptus littéraires : commencer le texte par la phrase : »Si on m’avait dit »

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Si on m’avait dit que la tache qui se dessinait au plafond n’était pas due à l’humidité, j’aurais pâli.

Pourtant curieuse je grimpai sur l’escabeau. Passant mon doigt sur la peinture la texture me surprit : grasse, visqueuse.

J’étais interrogative. La couleur ne ressemblait à rien. Incrédule je frôlais de nouveau la peinture la portant à mes lèvres.

Je restais le doigt en suspens, figée. Le goût était reconnaissable entre mille.

Soudain je tremblai en haut de l’échelle, les quatre pieds tour à tour se décollaient du sol, j’eus beau me cramponner la peur me ravageait. Descendre les trois marches fut un calvaire. Mon corps ne m’obéissait pas. Mes mains moites avaient du mal à se cramponner aux barreaux. La sueur dégoulinait de mon front traçant des sillons sur mon fond de teint.

Je serrais les fesses d’un coup, la peur se logeant toujours là où on ne l’attendait pas. Mon ventre convulsait.

Les pieds enfin posés sur le parquet je marchai dans tous les sens, d’un pas saccadé, les deux mains collées sur mes tempes comme si je voulais empêcher mon cerveau de s’échapper.

La trouille, la pétoche, la frayeur me saisit. Incapable de réfléchir, d’ordonner mes idées, je passai de la position assise à la position verticale. Mes mouvements désordonnés m’effrayaient. Je n’avais plus aucun contrôle sur moi.

Incrédule, je regardais la tâche s’étendre sur le plafond puis mes mains. Je penchais la tête puis la levais en rythmes saccadés.

Soudain mon estomac se révulsa, machinalement je courus aux toilettes, cognant violemment la porte contre le mur, vomissant maladroitement. Hormis ces éructations, une cataracte des larmes s’écoula subitement mouillant mon tee-shirt déjà souillé.

Je m’assis, bloquant la porte, la tête dans les mains, reniflant péniblement. Qu’avais-je fait ?

Je me souvenais juste que Paul-Henri mon voisin du dessus et ami avait glissé ses mains sous ma jupe, arraché mon string puis m’avait plaquée contre le mur.

J’avais hurlé. L’instinct de conversation avait décuplé mes forces, je l’avais repoussé violemment puis attrapé le cendrier en onyx sur la table et frappé sans réfléchir.

J’avais couru dans son immense couloir, m’étais énervé contre la porte qui me résistait, j’avais descendu l’étage quatre à quatre sans attendre l’ascenseur, cognais contre la porte de chez moi avant d’enfoncer la clé dans la serrure.

Essoufflée, énervée, contrariée je me jetais sur le sofa puis m’endormis.

L’avais-je tué ?

 

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