« Sur le modèle du « Je me souviens » de Georges Pérec, je vous invite à revenir en arrière, à vos premières années et à vous rappeler qui vous étiez alors…
Si vous acceptez ce retour en enfance, confiez-nous une photo de cette époque, répondez comme moi aux questions et taguez trois autres personnes (ou plus !) »
C’est bien sûr Asphodèle qui m’a tagué il y a bien longtemps alors voici mes réponses.
Je n’ai juste pas de photo de moi sous la main et je pense que celle-ci va vous mettre dans l’ambiance.
Je me souviens
1) Un lieu
Les toilettes sous le préau de l’école Jules Verne, Martine avait sa culotte en bas des jambes et j’étais dans le même état, nous avions huit ou neuf ans et notre curiosité était sans limite. Nous avons pris une danse mémorable. C’était mon premier amour mais l’expérience m’a appris que les toilettes publiques n’étaient pas fiables.
2) Une personne
Mon grand-père avec ses pantalons relevés sur les mollets, son couteau à la main, il cherchait dans les rochers, moules, crabes, bigorneaux qu’il mangeait sur place. Je l’aimais ce grand-père pourtant quand j’étais petit si j’avais le malheur d’avoir les coudes sur la table il me rappelait à l’ordre avec le manche de son couteau.
Je me souviens, bien plus tard, de cette putain rue Saint-Denis qui me prît par le bras et me chanta le répertoire d’une grande cantatrice. Tout en faisant ses vocalises, elle me dit « Je suis la doublure de la Callas. » Rouge de désir et de honte, pour ne pas être en reste je lui dis être le neveu de Pompidou, le Président en exercice, tout en ratant la marche du trottoir et m’étalant à ses pieds. Elle rit tant et tant que je suis sûr qu’elle en rit encore.
Un événement
Un temps fort de ma jeunesse, mai 1968, quand avec mon père et sa Simca 1000, il faisait le tour des pompes à essence alors que c’était l’embargo. J’avais à l’époque quatorze ans et j’étais une enfant pas facile. Pour m’isoler, mes parents m’emmenèrent à Marseille et l’autoroute n’existait pas. Ma première nuit à Montélimar, l’hôtelier me rempit les poches d’un sac de nougats.
Une classe
Le Cm1 et son instituteur monsieur Limousin qui m’interrogeait peu sur les tables de multiplication, il savait que je savais. J’avais une mémoire d’éléphant. J’avais beau lever le doigt il m’ignorait par contre en dictée il n’hésitait pas à m’interroger alors que je levais le doigt.
La 4ème avec monsieur Quenet, prof de français, Je récitais le Cid de Corneille sur le bout des doigts et j’adorais ça. Il trouvait que je déclamais les tirades un peu trop vite tout en étant convainquant. J’ai doublé ma 4ème peut-être pour m’améliorer.
Un cadeau
J’avais deux frères et quatre sœurs à la maison et l’argent ne coulait pas à flots. Je me souviens de 25 décembre tristes après le passage du père Noël, lorsqu’au réveil nous courions vers le sapin pour découvrir dans nos souliers simplement une orange et deux ou trois crottes de chocolat. Quelle déception !
Une boisson
Nous étions donc une famille nombreuse mais nous partions en vacances chaque année en Bretagne par le train. Nos balades se faisaient à pieds. De Lanvéoc à Crozon nous marchions huit kilomètres pour aller à la plage et huit autres au retour. De temps en temps nous avions la chance de boire un diabolo menthe à la terrasse d’un café pour nous désaltérer et nous donner du courage pour la marche à venir.
Une friandise
Les roudoudous ces coquillages au sirop de menthe ou à la grenadine. Mes parents n’avaient pas coutume d’acheter des bonbons mais je me souviens qu’on se servait dans le porte-monnaie de maman qu’elle laissait toujours dans la cuisine sur la paillasse et comme nous faisions tous cela la bourse était raplapla le matin… Je pense qu’elle savait pourquoi.
Un jouet
Une année le Père Noël a déposé un babyfoot pour les trois garçons. Les années se suivent mais… Ce jeu a été l’occasion de nombreuses bagarres entre nous. Pourtant c’est là que ma carrière a commencé. J’ai joué et je suis devenu un joueur très difficile à battre. Bien plus tard mon neveu me dit être le champion de la plage et me promit une fanny, il regrette encore d’avoir parlé trop vite.
Un camarade
Patrice mon compagnon d’adolescence, un garçon extraverti, beau, musclé qui plaisait aux filles. Il me plaisait à moi aussi, pas en terme d’homosexualité, il représentait celui que je souhaitais être. Dragueur, bonimenteur, souriant, intelligent il déclamait Baudelaire comme Rimbaud, Wordsworth comme Blake et me racontait ses rêves et ses espoirs chaque nuit.
Un livre
« Justine ou les malheurs de la vertu » un livre qui me mit dans tous mes états, que je lus à la lampe électrique caché sous les draps. Un livre à l’origine de mes première pollutions nocturnes, de mes premières furieuses masturbations.
En fait ce livre je l’empruntai à la bibliothèque de la ville. Le bibliothécaire était une connaissance de mon père et savait pertinemment qui j’étais. Le vieil homme m’a simplement dit que c’était un bon choix .
J’ai l’impression d’avoir bien raconté ma vie, merci Choupinette. Je vais passer le flambeau en taguant trois personnes :