Zelda de Jacques Tournier

« Et nous luttons ainsi, barques à contre-courant, renvoyés sans fin au passé. » Ce sont les mots que Zelda à fait graver sur la tombe de Scott avant de le rejoindre pour l’éternité.

Gilles Leroy puis Jacques Tournier ont à nouveau mis le feu aux poudres l’un avec Alabama song (2007)et l’autreavec Zelda (2008). L’énigmatique histoire de Scott et Zelda fait encore couler de l’encre bien que nous ne saurons sans doute jamais la vérité. Leurs vies d’écrivains restent un mystère, qui des deux avaient le talent ? Scott et Zelda sont à la fois un mythe et une histoire d’amour dans lesquels se mêlent folie et alcoolisme.

Jacques Tournier, traducteur des deux romans de Francis Scott Fitzgerald : Gatsby le magnifique et Tendre est la nuit a rencontré à Paris Frances alias Scottie, fille de Zelda et Scott, peu avant qu’elle ne décède d’un cancer en 1986. Lors de cet entretien, Scottie annonce qu’elle enverra une partie de la correspondance de ses parents, dès son retour aux États-Unis. Tournier la recevra après avoir appris son décès. Cette correspondance sert d’architecture à ce roman.

Zelda est née à Montgomery en Alabama, troisième des filles du juge Sayre, qui a baissé les bras sur son éducation. Zelda est une frondeuse. C’est en 1918, à l’âge de 18 ans qu’elle rencontre le lieutenant Francis Scott Key Fitzgerald jeune recrue au camp de Shéridan : très vite ils seront amants, très vite ils seront fiancés. Alors que plus tard, admise à la clinique de Prangins (Suisse), elle écrira « Me serrer contre lui, glisser ma tête entre son oreille et son col d’officier, c’était comme plonger vers les réserves souterraines d’un luxueux magasin d’étoffes…« 

Après deux romans à succès Scott et Zelda en pleine gloire, quittent l’Amérique pour la France. Les fêtes et l’alcool coulent à flots, leur folie dépensière, obligent Scott à écrire encore et encore. Mais il boit comme un trou persuadé que l’alcool l’aide. Zelda malgré son âge, se met à la danse, sous l’égide d’une ballerine russe, avec le rêve de devenir une étoile de renommée internationale. À force de travail et de souffrance elle décrochera un engagement en Italie et aura un succès d’estime le temps d’une première. Tandis que Lui écrit pour subvenir à leurs dépenses, tandis que sa dépendance à l’alcool est proportionnelle à la production de ses nouvelles, persuadé qu’il trouve l’inspiration dans le Gin qu’il absorbe, Zelda sombre peu a peu dans la schizophrénie. L’un et l’autre supportent mal d’être séparés comme ils supportent mal de vivre ensemble leurs échanges épistolaires sont poignants, irréels. Alors qu’elle est internée à la clinique psychiatrique de Prangins (Suisse) et que lui n’a pas l’autorisation de lui rendre visite leur correspondance s’étoffe.

L’avortement de Zelda, enceinte d’Édouard Josan, pilote français rencontré sur la riviera est sûrement une pierre à l’édifice de sa folie. Scott est jaloux et vit très mal cette aventure, non seulement il l’oblige mais commandite l’avortement envers et contre son avis.

De retour aux États-Unis, Zelda va vivre désormais entre la clinique et sa mère dans la maison de son père, décédé. C’est dans cet établissement psychiatrique qu’elle écrit son seul roman Accordez-moi cette valse. Lorsque Scott l’apprend, il a une peur bleue car lui aussi écrit son quatrième livre Tendre est la nuit, qui commence à voir le jour. Leurs sources sont leurs propres existences et le risque qu’elle lui fasse de l’ombre, l’affole. C’est pourquoi il demande à l’éditeur de lui retourner le manuscrit pour le modifier, le tronquer.

Scott s’éteindra en 1940 dans la misère à Hollywood, Zelda vivra jusqu’en 1948 date à laquelle elle périra dans l’incendie de l’hôpital psychiatrique dans lequel elle résidait.

J’ai évidemment apprécié cette lecture, plus que je ne l’aurai cru. J’ai tardé à faire ce billet ce qui le rend sûrement un peu décousu, un peu trop bref. En lisant, j’ai placé des morceaux de papier (ouate fine et légère) entre de nombreuses pages voulant citer cet endroit et puis cet autre et le livre est tombé de la table essaimant tous mes marques pages improvisés. 

 

Zelda écrit à Scott :

À Paris, tu buvais trop et tu le savais, tu te plaignais du bruit de l’appartement, des domestiques qui faisaient mal leur travail, tu voulais que je leur apprenne à te respecter, mais ils savaient que tu sortais toutes les nuits, que les chauffeurs de taxi devaient te porter jusqu’à dans l’escalier quand tu consentais à rentrer, tu dormais tout habillé, tu ne te levais que pour déjeuner, tu pouvais à peine t’asseoir à table, alors comment veux-tu ? Moi, il fallait que je m’occupe et j’ai pris des leçons de danse avec madame Egorova. Elle ressemblait à un gardénia. Elle avait des images de beauté dans la tête, et je voulais qu’elle se serve de moi pour donner vie à ces images de beauté

Je passe l’après-midi à regarder la pluie, en griffonnant des phrases creuses et en pensant à toi. Quand quelqu’un force ainsi la porte de votre front et glisse ainsi jusqu’à vos lèvres à travers les douces sinuosités du cerveau, c’est comme Hannibal franchissant les Alpes — je t’aime chéri.

 

Je n’existe que quand tu es là, je ne vois qu’à travers tes yeux, je suis comme enfermée à l’intérieur de toi.

 

Scott écrit à son éditeur à propos de : Tendre est la nuit.

— Henri, j’hésite entre plusieurs sujets, mais celui qui me tente serait l’histoire d’une femme qui aime un homme avec excès. Par peur de le perdre, elle décide de le détruire. Elle n’a pas peur d’une rivale, mais d’elle-même, peur de trop l’aimer. Pour parvenir à le détruire, elle l’épouse. Contrairement à ce qu’elle espérait, elle l’en aime davantage. Elle devient également jalouse de la réussite de cet homme sur le plan professionnel et cherche à l’égaler. └ partir de là, c’est encore assez flou. Je pense qu’elle va se suicider, mais lentement, comme le font les femmes, en buvant trop, en couchant à droite et à gauche, en faisant le vide autour d’elle. Voilà mon sujet. Qu’en pensez-vous ?     

Zelda écrit à Scott à propos de : Accordez-moi une valse.

Bien sûr, mon doux cœur, je me soumets avec bonheur à tout ce que tu proposes. Je savais que j’avais entassé trop trop d’évènements les uns sur les autres, que j’avais perdu le fil du récit. Je te demande simplement de comprendre ceci : les corrections que je vais faire seront purement formelles, car le matériau que j’emploie m’appartient et m’a beaucoup coûté en émotion, et j’ai le droit de m’en servir pour raconter l’histoire de moi-même contre moi-même, la seule que j’ai envie de raconter.

Scott dit de Zelda :

Tout le monde l’admirait et elle pouvait tout se permettre. Mais elle a tout perdu en perdant la tête. Elle est devenue folle. Et j’en suis passionnément amoureux.

Scottie :

On a beaucoup écrit sur mes parents depuis toutes ces années, beaucoup rêvé et fantasmé, formulé beaucoup d’hypothèses. Pour les uns, par exemple, c’est l’alcoolisme de mon père qui aurait rendu ma mère folle. Pour d’autres, c’est l’inverse : mon père s’est mis à boire parce que ma mère était folle. Si on me pose la question, je réponds que je n’en sais rien. Ça reste pour moi une énigme. Et c’est en partie cette énigme qui a fait d’eux un couple mythique.

Et vous qu’en pensez-vous ?

24 réflexions au sujet de « Zelda de Jacques Tournier »

  1. Tu sais ce que j’en pense bien sûr ! Et pour avoir lu le reste de toutes leurs correspondances, je peux affirmer avec certitude (je n’en ai pas tant que ça) que Scott buvait pour POUVOIR écrire : il le dit lui-même dans plusieurs lettres à différentes personnes !!! Il dit aussi à un moment (à un des médecins qui l’ont suivi aux USA, bien après Prangins) qu’elle ne « doit pas trop écrire », comme elle le faisait compulsivement. Elle s’est rabattue sur la peinture, elle était douée mais Scott tout en tirant partie quand il avait besoin d’argent, d’une nouvelle écrite par elle, d’un tableau vendu ici ou là l’a muselée d’une certaine façon et s’est beaucoup trop justifié de la laisser internée pour que ce soit honnête… Scottie ne voyait pas son père en coma éthylique, elle ne l’a jamais vu ainsi ou tu penses qu’elle a « occulté » cette face noire du mythe… Je pourrais t’en parler des heures et je me tiens à ta disposition pour toute question supplémentaire 😀 Ton billet leur rend hommage avec justice ! Et j’aime les photos que tu as choisies… 🙂 Ha j’oubliais : Scott buvait comme un trou BIEN AVANT que Zelda ne devint « dérangée » car elle n’était pas si folle qu’on l’a dit…
    P.S. et pardon pour la longueur de ce comm’ ! 😆

    J’aime

    1. Je t’en prie ma belle, je sais que tu connais bien ton sujet. Moi je ne fais que raconter, même si j’ai quelques doutes quant à l’intégrité du bonhomme. Depuis que je me suis plongé dans les deux livres sus-cités je ne suis pas sûr que Scott ait été d’une grande bienveillance à l’égard de Zelda.
      L’alcoolisme à haute dose comme il le pratiquait bouffe et ronge le cerveau. Neuf années se sont écoulées entre Gatsby le magnifique le magnifique et Tendre est la nuit et six encore avant que le dernier, inachevé, voit le jour, c’est étrange non ?

      J’aime

  2. J’espère arriver à me plonger dans cette histoire d’amour . Tout m’attire dans cette histoire et dans ce couple mais j’ai abandonné Tendre est la nuit après 100 pages. Je vais repartir en essayent de lire Alabama song…

    J’aime

    1. Je comprends ce que tu dis, j’ai essayé de lire Gatsby le magnifique et j’ai abandonné. Cependant j’ai lu Alabama song de G.Leroy et ce fut une découverte étonnante. Je lis maintenant Accordez-moi cette valse de Zelda Fitzg et j’essaierai de lire un autre de F.Scott Fitz, on verra bien.
      À bientôt. 😛

      J’aime

  3. Coucou Jean-Charles,
    Rassure-toi, je ne viens pas répondre à ta question, j’en suis bien incapable, mais je passe juste te faire un coucou de Pâques, ne voyant rien écrit pour les Plumes d’Aspho…
    Bon lundi et gros bisous d’O

    J’aime

  4. Me revoilà, la « blogoteuse » en colère !
    J’arrive de chez ton blogoteux MTG…
    Les ménagères de + et – 50 ans vont être contentes, c’est moi qui te le dis :mrgreen:
    Non mais ô, les machos, c’est fini c’temps là !
    Du coup, j’ai même pas lu le billet copié-collé de MTG !
    Pas de bises

    J’aime

    1. Je me marre, j’arrive de chez MTG ! il a pas dû trouver mon commentaire !
      Je rigolais, bien sûr, je vous adore, les Gones !
      Des bisous pour la soirée !

      J’aime

  5. Non mais tu rêves vraiment ! Et la galanterie ? c’est pour les Mecs, il me semble.
    Et ben, Miss Aspho est remontée aussi, t’as eu les dents vertes 2 fois ! Et moi, j’ai que des bleues, niak-niak !
    Retourne voir chez MTG, y’a Sa Douce qui a réglé ses comptes aussi !!!
    Bisous, allez, c’est fini, on n’en parle plus 😆

    J’aime

  6. Ces deux là m’ont interressée, sans que je puisse les trouver sympatiques, ni l’un , ni l’autre. Vais me procurer le bouquin de Tournier….

    J’aime

À vous de jouer, quelques lignes pour vous exprimer :