Le dernier homme de Fukushima Est un livre d’Antonio Pagnotta, journaliste-reporter, qui s’est rendu plusieurs fois à la rencontre du dernier homme de Tomioka. Tomioka étant la ville où sont installées les centrales nucléaires de Daïchi, dans la préfecture de Fukushima. Tamioka comptait plus de 16 000 habitants évacués au lendemain de la catastrophe aujourd’hui encore il n’en reste qu’un.
Naoto Matsumura n’est pas une légende mais un homme qui, depuis trois ans fait de la résistance, face à Tepco et au gouvernement. S’il vit toujours à Tomioka s’est pour protester d’une part parce que dans les années 1970 lors de la construction et de l’ouverture des centrales nucléaires, Tepco à assuré qu’il ne se passerait jamais rien sur le site, et d’autre part parce que l’évacuation proposée n’était autre qu’un parcage inhumain de la population.

Au milieu des carcasses de chiens, chats, de cochons et de bœufs noirs, à 51 ans Naoto Matsumura a décidé de rester dans sa ville natale pour ne pas abandonner sa terre, pour ne pas abandonner sa chienne. Chaque jour Naoto Matsumura nourrit le bétail que le gouvernement a décidé de laisser crever.
Je parlerai de ce livre une autre fois, je voulais citer un passage important qui reflète une société japonaise que les occidentaux ont parfois un peu de mal à comprendre :
« La culture japonaise du travail prime, d’où le mythe de la supériorité de la technologie nippone qui ne peut faillir. Doués pour l’organisation collective, le perfectionnement maniaque des méthodes et l’obsession du détail infime. Les Japonais sont beaucoup trop appliqués, trop occupés dans leur routine, pour envisager l’imprévu. Par dégoût culturel, une forme de superstition populaire, ils rechignent à imaginer des scénarios d’accidents majeurs, parce qu’ils craignent, ainsi faisant, de les provoquer.
Cet imperturbable esprit de sérieux s’allie au souci obstiné de réduire les choses à une simplicité gérable pour mieux garantir la réussite des méthodes collectives apprises et mille fois répétées. Ce mythe de la supériorité technologique est une foi qu’embrassent de nombreux diplômés des grandes universités japonaises – parmi eux les hauts cadres de Tepco dont l’arrogance n’a d’égale que leur ignorance du fonctionnement des centrales nucléaires et des risques encourus lors d’un accident. L’élite japonaise, dans son incapacité à prévoir le changement, est l’une des causes principales des échecs historiques du pays.
Les universités, avant d’être un réservoir de dirigeants pour les entreprises, sont d’abord l’outil de sélection de l’élite où les piliers du pouvoir et de l’établissement sont sélectionnés mais jamais formés. L’université représente un modèle passé qui produisait de l’uniformité et des brosses à reluire de luxe. Les diplômés manquaient totalement d’une chose dont les Français regorgeaient : ils n’avaient pas d’esprit critique et, une fois recrutés dans une grande entreprise, ils se montraient cruellement incapables de travailler au changement le plus infime. Leurs talents et leur intelligence se concentrent essentiellement – exclusivement – sur les moyens de production.
Anticiper un problème qui pouvait mettre leur entreprise à genoux ne faisait pas partie de leurs priorités. »
Pages 136,137 et 138
En avril 2011, Naoto Matsumura est allé au siège de la Tepco, reçu par le directeur de la division des affaires générales, il voulait exprimer sa colère d’homme à homme et poser des questions, dont celle-ci :
« Existe-t-il un interrupteur général qui permet d’arrêter une centrale nucléaire en urgence, puis un autre plus général pour arrêter toutes les centrales nucléaires ? »
« Il existe bien un interrupteur pour arrêter chaque centrale. À Daii Ichi, il n’a pas été utilisé parce que la compagnie voulait continuer à utiliser le centrale dans le futur », avait reconnu le directeur de la division des affaires générales. »
Pages 124 et 125
P.S.: J’ai réservé ce livre à la médiathèque depuis début décembre 2013 et je ne l’ai eu à disposition que le 7 mars. Je ne crois ni au destin, ni au coup du sort et j’aurais pu l’avoir avant ou après mais je l’ai eu pour le 11 mars. Qui connait mon engouement pour la Japon et les pays asiatiques peut trouver, comme moi, la coïncidence exceptionnelle !
La photo qui a fait le tour du monde,symbole de cette catastrophe nucléaire :
Même s’il fait froid dans le dos, il est génial ton billet ! Sharon m’a offert (depuis août) Fukushima qui raconte la catastrophe, ce n’est pas de la fiction c’est ça que je veux dire et toujours aps eu le temps de le lire mais ça va venir ! Le passage que tu mets sur les responsables japonais est hallucinant car je m’aperçois que cette mentalité n’a pas changé depuis des siècles ! Toujours le samouraï prêt à tout pour « exécuter », « remplir sa mission » mais pas d’anticipation, jamais, ça porte malheur et quand le malheur est là on se fait seppuku…
Il a du courage cet homme en tous cas ! 😉
Merci pour ce billet très très intéressant ! 😀
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Merci d’être passée le lire, personne n’est venu, et pourtant c’est intéressant. Je l’ai attendu ce livre. J’étais surpris quand j’ai découvert la mentalité japonaise et surtout la façon dont le pouvoir ment. J’ai vu une petit reportage ce midi et 3 ans après le gouvernement et Tepco mentent toujours.
Naoto Matsumura était à Strasbourg dimanche pour la manifestation anti-nucléaire.
D’après le bouquin nous serons les 3eme à avoir un accident nucléaire parce que nos centrales sont âgées, la centrale de Blaye est aussi construite en bord de mer et subit aussi des problèmes aux grandes marées.
Ce qui m’a le plus sidéré, c’est la réponse de Tepco qui a dit qu’il pouvait arrêter la centrale et qui ne l’ont pas fait. Incroyable.
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C’est toujours la même détresse, la même improvisation. Les nettoyeurs de Fukushima sont-ils mieux protéger contre les radiations que ceux de Tchernobyl? On ne dirait pas. Pourtant, d’une catastrophe à l’autre, Il était possible de tirer quelques leçons… Rendre le nucléaire acceptable, c’est aussi occulter ses possibles conséquences. Jusque là, tout va bien…
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Apparemment non ils ne sont pas mieux protégés, mais si le gouvernement russe avait ignoré l’évidence le gouvernement japonais la nie.
Les conséquences sont inenvisageables dans la culture japonaise et le pire c’est que les gens qui ont été irradiés, bien malgré eux, sont considérés comme des parias.
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Hello Jean-Charles,
Dommage que ce billet n’intéresse pas les bloguonautes.
Moi, je crois très fort au hasard et j’y vois en effet un signe pour ce livre réservé 😉
Les Japonais sont « formatés » pour le travail et la discipline. Il nous faudrait ça en France !
En ce qui concerne les têtes pensantes, hélas, on les rejoint. Souvent les chefs ne connaissent pas le terrain et planchent sur le papier ou sur leur ordi… Et quand il faut mettre en oeuvre leurs idées, c’est la cata.
En ce qui concerne la catastrophe de Fukushima, je ne suis pas sûre que cela ne puisse pas se passer en France. A mon avis, personne au monde ne maîtrise le nucléaire…
Ca fait froid dans le dos en effet. Prévoir l’imprévisible, l’homme contre les machines, c’est l’histoire du pot de terre contre le pot de fer.
Hélas pour Naoto M. il mourra seul, ignoré des Autorités. Son combat ne sert à rien.
Ou bien, au contraire, soyons un peu plus optimistes, arrivera-t-il à prouver au monde que l’on peut survivre au milieu de nulle part, à la folie des hommes ?.
Bises du matin
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Bonjour Soène,
Ton long billet mérite réponse.
D’abord si ce billet n’a pas eu plus de lecteurs qu’il n’en aurait mérité, c’est je pense parce que de Fukushima les gens en ont ras le bol ; je ne comprends pas pourquoi parce qu’on ne nous rabat pas les oreilles avec ça. Peut-être s’agit-il d’une peur viscérale ?
Nous sommes certainement les prochains sur la liste des catastrophes nucléaires les sites de Fessenheim et de Blaye ont été mal pensé, l’un est dans un endroit où les tremblements de terre sont récurrents et l’autre subit les assauts des marées. Elles ont été construites sans qu’il ait été tenu compte de ces paramètres et comme un fait exprès elles sont vieilles.
Quant à la croisade que mène Naoto Matsumura elle est d’une importance capitale, son action a été relayée dans le monde entier, il reçoit de l’argent du monde entier pour continuer à nourrir les bêtes.
Il sert aussi à démontrer aux Japonais que le gouvernement et Tepco leur ont menti sur toute la ligne, ce peuple est tellement obéissant que c’est un éveil indispensable. Un bon nombre de Japonais lui envoient de l’argent et des associations locales lui viennent en aide. L’espoir de Matsumura est que sa ville, sa terre natale, revivent un jour. Le peuple japonais a un attachement à la terre que nous n’avons pas depuis 5 générations sa famille vit sur ces terres. Il sait pertinemment qu’il est condamné mais il se bat pour les autres.
Voilà ce qu’il me semblait utile de préciser.
Belle journée à toi Soène. 😉
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Certaines réalités sont dures à regarder en face, il n’empêche que j’ai adoré lire ton billet Jean-Charles. Une belle découverte que celle de ton blog !
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😳 Merci Polina… Peut-être que ce qu l’on écrit avec le cœur, avec ce que l’on croit être juste est plus important et donne une dimension plus vraie.
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Quelle catastrophe… trois ans déjà. Mais surtout, quel homme que ce Matsumura. Il y aurait tant à dire, mais dans la foulée, j’aimerais quand même souligner la bravoure de cet homme qui s’est opposé à l’abattage des animaux sur les terrains contaminés. Le combat qu’il mène aujourd’hui pour sensibiliser les gens à l’impact des centrales nucléaires, pour lesquelles il ne manque pas de rappeler qu’elles sont souvent plus près qu’on le croit de chez nous, est exceptionnel. Qui peut dire qu’il a le contrôle sur les centrales nucléaires? Et les Russes dans tout ça? Et Tepco? C’est un sujet qui vient vraiment me chercher de l’intérieur. Oui, il y aurait tant à dire, et surtout, il faut en parler, ne pas le taire. J’ai toujours admiré la force de ces combattants, ces « résistants ». Un livre dur, certes, mais je ne manquerai pas de le lire, c’est certain. Merci d’en avoir parlé…
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Grrrr, je suis rageur deux fois que je te réponds et que par maladresse je supprime mon commentaire grrrr. En deux mots je disais que monsieur Matsumura est un kamikaze des temps modernes qui défend ses idées avec la seule choses qui lui appartienne : sa vie, chapeau !!
Le gouvernement nippon a menti et ment toujours à propos des conséquences, le lobby de l’argent est tellement puissant que le gouvernement préfère perdre des milliers de vie qu’encourir les conséquences de la vérité. Aucun média ne peut dire la vérité sinon Tepco et cie retirent toutes leurs publicités, c’est dégueulasse ! Les produits alimentaires irradiés de la région de Fukushima sont « désétiquettés » et « réétiquettés » comme venant d’une autre région et vendus; Quelle honte !
Le gouvernement, ici en France, lors de la catastrophe de Tchernobyl en 1986 a prétendu que le nuage radioactif s’était arrêté aux frontières, était-on assez naïf pour croire à cela ? Le nombre de cancer de la thyroïde développé après cet épisode désastreux s’est multiplié ans les années qui ont suivi.
Il paraîtrait que la prochaine catastrophe nucléaire sera en France, ce qui n’est pas impossible, nos centrales sont vieilles et installées sur des sites qui présentent des dangers.
Ce livre met en colère, je te préviens.
Bonne journée Nadine.
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