Les plumes de l’année : les mots en I

Asphodèle reprend le flambeau des plumes de l’année, chapeau !  Si celles-ci pouvaient t’aider à retrouver une pèche d’enfer. Je t’embrasse chaleureusement.

Je vous propose à cette occasion deux textes.

Voici le premier :

Quel imbécile d’avoir déposé cette lettre à l’atelier d’écriture. Ce geste irréfléchi pouvait me mener au discrédit et mettre ma carrière de blogueur en péril. Si j’avais osé faire cette confession qui relevait de l’indicible,  j’étais sûr que chacun mettrait cela sur ma capacité d’immersion dans un monde imaginaire. Pourtant…

En me fréquentant un tant soi peu, l’on pouvait se douter que mon infatigable plume finirait dans l’impasse. C’était un fait irréfragable. Vouloir inhumer tous mes écrits et s’en repaître jusqu’à l’indigestion par moquerie, par méchanceté m’insupportait, je devais supprimer ce blog retrouver l’oubli.

Etais-je inconstant, était-ce l’image que je souhaitais donner ? Mon ivresse d’écrivain de pacotille n’était-elle qu’une illusion ? Laissez un interstice et le mal pénètre, le doute itou.

Voici le second :

Je regarde ce sang couler inlassablement. J’en suis hébété, qu’ai-je fait encore pour en arriver là ?

Il coule doucement sans bouillon, infatigable. Il n’a pas jailli, pas d’ébullition. Il s’écoule lentement. Je change de position aussitôt et il modifie son tracé. Je suis dans une impasse entre envie et regret. Je suis fasciné mais l’œil vitreux. Je n’aime pas le sang. Je n’aime pas mon sang. Je n’aime pas ce goût de fer sirupeux et doux.

Vertige ou ivresse, mon imaginaire me joue des tours.

Je suis captivé par cette couleur foncée sur ma peau blanche, ces méandres dessinés au contour des poils et ces pores comblés par ce liquide visqueux qui semble ne plus vouloir s’arrêter. Je n’ai pas mal, aucune douleur. Juste effaré par cet acte irréfléchi.

Je contemple le mélange dans l’eau de la baignoire crasseuse dans laquelle je suis plongé : sang et eau.

Je suis comme un imbécile, en immersion surfant sur ma souffrance, inconstant, fermé sur moi-même. J’ai jeté le coupe-chou de mon grand-père sur le rebord du bac.

Aujourd’hui il n’était pas affuté, c’est sans doute pourquoi la tâche fut ardue.

La lame fusiforme est pleine de sang rouge presque noir et déjà coagulé, formant une minuscule croûte. Un dernier souffle s’échappe de l’interstice de mes lèvres déjà durcies. Ce même sang carmin qui glisse sur l’émail blanc de la baignoire et dessine des courbes dans l’eau sale.

Une tristesse indicible m’envahit.

Un haut le cœur me saisit, une indigestion d’hallucinations toutes plus insupportables les unes que les autres m’angoisse. J’inhume mes illusions, j’exhume mes niaiseries.

Sans réaction, je contemple ahuri ! Sans appréhension, sans pleur. Comme si mon geste était inéluctable, attendu. Comme si mon geste était désespéré.

Comme si mon geste était préparé depuis des années.

Je pense à mes enfants à ce moment, puis à ma mère et aux femmes, celles que je n’ai pas eues et celles que j’aurais pu avoir. Je pense à mon chat à qui je n’ai pas encore donné sa pâtée.

Le téléphone sonne mais je n’ai plus envie de répondre.

Une souffrance irréfragable s’empare de moi, je tremble. L’eau se refroidit et change sa couleur. J’ai peur, je meurs.

Le sang esquisse des volutes dans l’eau comme dans une peinture d’un Van Gogh. Je me sens agité, en survie, pâle, trouillard.

C’est drôle de penser cela en ce moment ! Je ne me suis pas coupé l’oreille pourtant ! Simplement une légère entaille en me rasant.

Dans chaque texte je n’ai pu placer le mot itou, désolé.

Voici les mots qu’il fallait caser : illusion irréfragable ivresse infatigableimpasseimmersionimage indicibleintersticeimbécile – itou – inhumerinconstantindigestionimaginaire irréfléchi

38 réflexions au sujet de « Les plumes de l’année : les mots en I »

  1. bravo ! Mais si tu as placé itou dans le premier que j’intitulerais si je m’écoutais : « la solitude du blogueur de fond » ! 😆
    Et pour le deuxième, quelle chute, tu m’as fait très peur itou ! Moi aussi j’ai eu du mal, j’ai rusé… Je n’en suis pas fière mais sinon ça dénaturait le texte. C’est un joli mot qui sied mieux au langage dialogué…
    En tout cas, l’inspiration revient, c’est bien et elle revient par la grande porte ! 🙂

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    1. Joli titre en tout cas qui me fait penser à un bouquin de Murakami, un des rares que je n’ai pas aimé, oui, oui ça arrive. 😛
      Le second est un texte écrit il y a bien longtemps dans lequel j’ai placé les mots imposés. Il m’a posé beaucoup de problèmes. J’aime ce suspens en tout cas et si tu as frissonné j’en suis fort aise.

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  2. Hé, Jean-Charles, tant de sans pour une petite coupure de rasage ! Ouf !
    Ah, les hommes, qu’ils sont douillets, tout d’même 🙂

    Je préfère ton premier texte, les thrillers me font toujours peur !
    Il ne faut pas t’en faire autant, on ne peut pas toujours être présent partout, tout le temps !
    Bon we

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    1. Hé ! les petites coupures font de grands ruisseaux, on voit bien que tu ne te rases pas tous les matins toi ! 😀
      J’aime bien mener le suspens… Quant à ma lettre, non, non je n’ai pas d’inquiétude, j’ai pris le risque de l’écrire quand j’en ai eu l’envie et de choquer par son contenu parce que je suis ainsi. D’ailleurs j’ai déjà écrit la réponse à moi-même qui sera publiée en temps et en heure. 😛 😀

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  3. Avec les états d’âme manifestés dans le premier texte on saisit les envies de suicide du second. Vouloir raser la barbe de ton profil serait un pur scandale. Au fait je peux toujours t’aider pour accélérer le cours de ton existence, le sang ne me fait pas peur.

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  4. Avec le moral manifesté dans le premier texte on comprend que des images suicidaires surgissent dans ton esprit. En particulier l’idée saugraunue de vouloir raser de ton profil . Si la vue du sang t’effraie moi elle me gêne pas.

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  5. ma préférence va au second texte , rêverie cauchemardesque dans une baignoire , c’est réussi , la couleur carmin sur la blanc fait frémir , c’est pour ça que j’ai gardé ma baignoire rouge

    Le rasoir , il faudrait l’affuter là , sinon , tu risques de te faire mal pour de bon
    bravo pour les mots imposés en tout cas

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  6. Troisième tentative pour entrer sur ton blog, mais comme tous les tueurs à gage je sais attendre mon heure. Je disais donc que quand on le moral aussi bas (voir le premier texte) et que l’on commence à vouloir raser la barbe de son profil, il n’est pas étonnant d’être tenté par le suicide. Je suis toujours disposé à accomplir le travail si la vue du sang t’effraie.

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    1. L’opiniâtreté paie en tout cas . Te voilà ici et comme je suis bien élevé j’ai conservé et répondu à chaque commentaire.. Et bienvenue !
      WP affiche le commentaire en indésirable lors du premier passage maintenant il n’en sera plus ainsi. @ bientôt;

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  7. Trop fort! Là ou tout le monde est à la peine pour trouver un texte, tu en publie deux!! J’aime le premier et le second itou 😆
    Je vais faire rencontrer ton héros à ma copine Claire, ils vont bien s’entendre 😉

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    1. Pas fait exprès m’sieur, sont venus tous les 2 lors d’un coup de blues. 😀
      Pas de soucis pour la rencontre avec Claire il se tiendra sur ses gardes.
      A l’instant je viens de faire un parallèle entre Claire et Aomamé la tueuse d’Haruki Murakami dans on dernier livre 1Q84.

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  8. @Soène non, non il ne s’agit pas d’avoir la réponse que je veux ou non, j’ai simplement répondu à la lettre, d’un autre ton, avec une autre vision comme n’importe qui d’autre l’aurait fait. 😀 je ne fais pas plus d’auto-complaisance que d’auto-satisfaction, je réponds avec la facilité qui est la mienne sans plus.

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  9. Ah! Jean-Charles, que j’ai plaisir à te revoir cher ami, nous nous étions perdus de vue à la fin de l’été, et grâce aux plumes me revoilà accrochée à vos textes, le souffle court, haletante, et je dois dire que le deuxième texte est vraiment bluffant. Une sorte de « nano-thriller »…

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    1. Oui l’été fini chez Asphodèle et chacun à continué sa route, mais voilà. J’essaie de continuer d’écrire suivant l’envie et suis très content lorsque mes textes plaisent. Merci du passage Célestine.

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