Je ne comprends pas ce que je fais là, je hais le cirque et encore plus les clowns. Quand les enfant rigolent j’ai les larmes au fond des yeux. Jamais je n’arrive à sourire pourtant je suis là assis dans les gradins à regarder ce clown user de toutes ses ficelles pour nous faire rire.
Je vais au cirque quand je vais mal. Je vais au cirque lorsque ça me manque trop. Je vais au cirque parce que j’y suis né. J’ai abandonné ce milieu lorsque j’ai eu mes dix-huit ans.
Mon père était clown. Chaque soir après la représentation la fête était finie. L’alcool qu’il ingurgitait le rendait triste et parfois méchant. Aucun de ses spectacles ne l’enchantait. Je dois avouer qu’il ne m’a jamais fait rire. Aussi loin que je m’en souvienne, la morve au nez, caché derrière les rideaux, je guettais les rires des spectateurs. Qu’il y en ait ou pas j’étais triste.
Mon père était mal dans sa peau, pour lui trop de rires n’était que moqueries et pas assez une preuve de son incompétence.
Il était trapéziste avant. Le filet mal tendu ce soir-là a amorti la chute sans le retenir. Il s’est écrasé au sol durant le Festival du cirque. Après quelques mois en clinique les médecins lui ont interdit le trapèze, maman m’a dit qu’il avait essayé bien des fois mais son dos ne supportait plus son poids.
Il s’est reconverti, avec beaucoup d’aigreur. Il a d’abord entraîné les jeunes trapézistes mais contraint de rester sur la piste, c’est rapidement devenu insupportable.
La déprime l’a saisi et l’alcool aussi. Je l’ai vu bien souvent saoul, bien souvent désagréable et bien souvent pleurant après chaque bouteille finie. La vie en caravane n’est que promiscuité. Il tentait de nous faire rire maman et moi.
Je l’ai vu ensuite faire ses grimaces chaque jour, raconter des histoires drôles pas drôles, enfiler son nez rouge et se maquiller. C’était pathétique. J’avais honte d’être le fils d’Achille. Il voulait faire de moi un trapéziste, il voulait s’annexer mon corps, il voulait que je réussisse là où il avait échoué. Il fallait qu’il montre à cette grande famille du cirque qu’il existait à travers moi.
Malheureusement, j’étais petit, chétif, il me plaisait plus de lire que faire des tractions à la barre fixe. Je préférai de loin muscler mon cerveau que mon corps.
C’est à ma première gifle que je décidais de quitter le cirque, à quatorze ans à peine. La seule fois ou j’ai espéré avoir des muscles pour lui rendre sa raclée. Mais je l’ai juste regardé droit dans les yeux puis je l’ai insulté. Et bien sûr il s’est acharné. Maman m’a dit d’oublier, de pardonner, je n’ai jamais pu.
Plus jamais je ne lui adressais la parole, pas même un bonjour ou un au revoir et il a fait comme moi, nous nous sommes ignorés.
Aujourd’hui je viens le regarder encore, je paie ma place sans qu’il le sache. Il me serre les tripes, j’ai honte mais je ne peux pas faire autrement. Chaque fois je l’ajuste avec mes doigts, mon pistolet imaginaire et il tombe dans mes rêves, sauf aujourd’hui. Il s’est écroulé tout seul. J’ai soufflé sur mes doigts, rangé mon pistolet et je l’ai regardé mourir sans un regret, sans un adieu.
Sur une photo de Marion Pluss , une texte écrit pour l’atelier d’écriture du blog Bricabook
Trash, comme d’hab mais j’aime te lire, tu le sais 🙂
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Oui la « trashitude’ est un peu mon image de marque. 😉
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quelle trsitesse ! mais que cela est bien écrit… Cela prend aux tripes et comme je comprends cet impossible pardon.
avec le sourire
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Merci Lilou ! J’avais plutôt l’impression que mon texte était un peu plat qu’il manquait de puissance.
Bises Lilou 😛
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ton texte prend aux tripes…mais après il est trop tard !
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Comme tu dis trop tard ! Qu’on soit clown ou pas … Élever un enfant n’est jamais simple.
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oh, que non, pas plus qu’élever des parents 🙂
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Hihihi j’aurai pris une baffe à penser ça !
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Et pourtant c’est vrai que les enfants aident à grandir 😉
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Bien sûr ! 😉
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ça fait un peu mal….
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Je n’ai pas de pansement !
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Ma-gni-fique ! Oh là, là, quelle force ! Cette histoire mériterait de faire dix pages, tu sais… J’ai adoré.
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Oh Camille tu vas me faire rougir 😳 Mais merci les joues rouges me donnent bon teint. Je n’aurai pas su en faire dix pages, je ne crois pas.
Bises d’ici.
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Evidemment que tu aurais su !
Bises de là.
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Je viendrai te lire bien sûr. Je lis souvent plusieurs de tes chapitres d’un seul coup, ça me plonge dans l’ambiance et puis j’aime bien ton héroïne et ce qu’elle véhicule.
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Come on, Darling ! 😉
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😆 😉
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Je ne t’avais pas lu depuis longtemps, et je réalise que tu m’as manqué… Hard, dur, coupant, précis. parfait. comme toujours. ça fait un peu mal, mais une très belle écriture. merci…
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J’ai besoin de prendre du recul parfois c’est pour ça qu’on me voit moins souvent. Sûrement que je mets trop de mes miasmes dans mes textes et j’ai besoin de recharger mes accus.
En tout cas tu me flattes… Je suis comme un paon dans sa phase de séduction. 😉
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Un texte dur, mais la réaction de cet homme est ô combien compréhensive : il y a tant de blessures qui ne cicatrisent jamais.
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Effectivement des blessures bien trop profondes qui ne s’effacent jamais. Tu sais je ne fais pas dans la dentelle. Bises 😉
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c’est vraiment poignant. On retrouve cette blessure dans bien des textes aujourd’hui. Dure la vie d’artiste, dure la vie d’enfant d’artiste
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J’imagine que ce n’est pas facile de vivre avec quelqu’un dont le métier est de faire rire les autres, les doutes, les remises en question doivent être courantes.
Merci Nath. 😉
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Oh, quelle fin encore, qui vient nous cueillir a froid et nous laisse sonnés… Du coup je relis la fin, pour etre sûr que j’ai bien lu… Bravo!!
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Merci Ludo ! J’ai voulu terminer ainsi , être bref tout en laissant l’imagination faire son rôle.
Je me suis effectivement demandé si je devais en dire plus.
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Tu avais le personnage idéal pour la chute !!! Mais brrr ! Moi je l’ai trouvé un peu long (et je ne suis pas du genre à brosser dans le sens du poil) même si l’écriture est souvent émouvante ! !!! 😆
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contente de voir que tu es là ! long non pas trop….juste ce qu’il faut pour que la chute soit cohérente.
avec le sourire
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Ah oui long ! A vrai dire je ne sais pas. Peut-être. 😉
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Une fin très dur
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Sans doute Victor mais est-ce que la vie est facile ? 😉
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Un texte fort, plein de douleurs qui nous atteignent et qui touchent forcément à quelque chose chez nous. Bravo !
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Merci Anariel je n’arrive que rarement à écrire des textes joyeux mais j’aime quand cala touche. Merci 😉
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Oooh quelle chute. C’est un texte très fort et dur qui met en avant la souffrance, pour soi et pour les autres, des choix que l’on fait.
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C’est un peu le mythe d’Œdipe mais j’ai laissé la mère de côté. Les rapports père-fils ne sont pas toujours très évident.
Merci 😉
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