L’arbre à signes

16058258370_99a0be4b8e_kComme les autres ils avaient gravé leurs initiales sur l’écorce d’un arbre, sans se poser une seule question, fiers d’être ensemble, fiers d’étaler leur amour.

De la pointe se son canif il traçait leur prénom, le sourire aux lèvres presque repus. Elle le regardait, l’admirait. Elle venait de lui offrir son corps, il était le plus beau, le plus fort. Certes elle avait souffert un peu comme une brulure qui n’en finissait pas. Certes son string était taché de sang. Certes elle se sentait heureuse et bizarre.

A bien y réfléchir elle se demandait si elle avait fait le bon choix. Elle irait jeter un œil sur les autres arbres, peut-être qu’elle y trouverait son prénom associé à d’autres, qui comme elle avaient succombé.

Il n’avait pas été très doux ni très amoureux et encore moins sensuel. Il l’avait déflorée à la hussarde un peu comme un collectionneur de papillons, pour ajouter un trophée à son tableau de chasse qu’il était en train de graver.

« Ah merde !  » hurla-t-il, lui montrant la main dans laquelle la lame du couteau venait de laisser sa griffe. Elle souriait intérieurement, lui aussi versait un peu de sang. Elle en chercherait la symbolique.

Elle le vit trépigner, se conduire comme un adolescent mal dégrossi. Elle était amère. Elle regretta aussitôt sa virginité. Pour tout elle était impatiente, précipitée, irréfléchie.

Il voulait qu’elle aspire le sang qui suintait de sa blessure, elle ne put s’empêcher de penser à son petit frère de huit ans qui lui aurait fait le même plan foireux, la même comédie mais qu’elle aurait mollesté.

Elle s’en voulait. Lui ne comprenait rien, s’énervait, imbus de sa personne, sûr qu’il ne lui avait donné que du plaisir, inconscient qu’elle venait de perdre son hymen, un sagouin, un petit égoïste.

Quelle imbécile ! Son nom figurait sur chacun des arbres, elle eut honte subitement. Si le moment eut été impérissable, s’il se fut conduit en homme, s’il eut été attentionné elle aurait pu lui pardonner. Le feu qui brulait entre ses jambes, la façon infantile avec laquelle il s’était conduit, le peu de reconnaissance qu’il lui accordait, son attitude prétentieuse, sa petite blessure bégnine… Elle avait envie de lui arracher le couteau des mains, de le punir par là où il avait péché.

Une colère sourde montait. Elle ne lui ferait aucun mal mais il pouvait être sûr que ses capacités d’amant ferait le tour du lycée. Il ne trouverait pas d’autre petite dinde à se farcir, comme elle, de sitôt.

Dès lundi toutes les classes de seconde sauront qu’il est un piètre amant, qu’il ne s’est même pas rendu compte qu’elle était vierge, qu’il était prêt à pleurer pour une petite coupure.  Sa réputation le précèdera.

« Ne grave pas mon prénom près du tien, je te l’interdis. » Elle le bouscula en fureur en s’enfuyant.

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ma transgression d’une photo pour l’atelier de Leiloona 

9 réflexions au sujet de « L’arbre à signes »

  1. La « transgression » n’est pas flagrante ! J’aime bien ce parti pris aussi, il doit bien en exister des coeurs blessés qui n’ont pas voulu graver dans l’écorce leurs désillusions… Cette photo, pour une fois, m’aurait inspirée mais je l’ai vue trop tard ! 😉

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  2. Haha, « à la hussarde », ça m’a toujours fait rigoler. 😀
    J’aime le ton de la demoiselle, une vraie petite dinde qui réalise trop tard que l’autre est un vrai crétin. Faits pour se trouver, en réalité. 😛

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