« -Dégage mémé tu m’ennuies ! »
Je suis en galère cette après-midi pas moyen de faire une bonne photo. J’arpente les rues, je mitraille à la recherche du scoop, de la photo qui ferait de moi la page la plus visitée sur Flickr. J’ai soif de visiteurs.
Je n’ai pas d’envie, pas d’idée. Je prends au hasard des photos comme on tire à la kalachnikov, sans conviction, pour faire des cartons. J’immortalise des juifs en keepa, des musulmans avec leur fez et même des cathos avec leur galero, histoire de déclencher.
Je veux de l’exotique, de l’érotique quelque chose qui fasse que les méninges s’affolent. Je veux que mon obturateur soit en feu.
Je suis monté jusqu’à Montmartre, car après l’effort le réconfort, là où les touristes exténuées par les 220 marches n’arrivent plus à joindre leurs membres. Je caresse mon déclencheur avec le même appétit qu’un peintre de rue frotte son pinceau sur une toile, l’œil irrespectueux.
Tout en haut de la butte la vision qu’on m’offre est parfois rigolote, impossible à décrire ici. J’avais une idée très précise de l’anatomie féminine depuis mon adolescence, le regard rompu à tout et des dizaines de photos de madame Toutlemonde venue des Etats-Unis, de Suède ou de Norvège, d’Allemagne et maintenant d’Asie. Le seul changement c’est qu’avant lorsque je prenais une pellicule de 36 poses en argentique, j’étais heureux, je soignais mes photos, je cadrais au plus juste, j’hésitais. Maintenant je suis moins regardant, je fixe en rafales, je retouche, j’enlève ce qui m’ennuie, je recadre et bien sûr je détruis deux ou trois photos sur quatre.
De Pigalle au Sacré Cœur je baguenaude le cœur léger, le déclencheur sensible, l’œil collé sur le viseur à la recherche du scoop… une carte Sd de 16Go déjà pleine dans ma besace.
Soudain au détour d’une petite rue piétonne une devanture de bodys et de culottes Petit Bateau me nargue, des sous-vêtements de bébés roses, bleus ou jaunes me sollicitent, me défient. Je caresse de la pulpe du doigt le déclencheur, j’attends impatient. Puis ensuite je murmure :’Dégage mémé tu m’ennuies » sans qu’elle ne bouge. J’ai envie de crier : « Le rayon grande taille est dans la rue d’Amsterdam mémé. »
Mon insolence m’énerve. Je la bouscule maladroitement. Elle me file une taloche qui me fait valdinguer. Mon appareil photo atterrit par terre, mon 35mm à f1,4 ne servira plus jamais à rien.
Je suis en fureur, j’ai envie de la tuer. Elle est rouge de confusion. Je ne suis pas un terroriste, je lui demande de m’excuser. Elle est surprise.
Elle me propose un café au Bar de la Butte. Elle m’explique que depuis 40 ans elle commercialise cette marque et que ce matin elle a refait sa devanture, qu’elle jugeait de l’effet.
« Quel con ! » me dis-je.
L’atelier d’écriture de Leiloona avec les textes des autres participants.
En quelques traits de plume bien trempés, tu exprimes toute la difficulté de la communication qui plombe les hommes depuis que le monde est monde…Nos yeux nous trompent, nos sens nous égrent, nos émotions nous ôtent le sens des réalités, nos convictions nous aveuglent…quand ce n’est pas le hasard qui s’en mêle…Aller plus loin que les apparences, et savoir ce qui meut et émeut notre prochain, y compris celui qui se met involontairement en travers de notre route ou de notre focale d’appareil photo, voilà tout l’enjeu de la survie de l’homme.
Bises conquises
¸¸.•*¨*• ☆
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Oh 😳 je crois que je vais retourner à l’école pour lire encore de jolies choses comme ça. Je ne sais pas si je suis capable de penser à un tel cheminement. Tu sais je suis brut de décoffrage et seule ma sensitivité guide ma plume/ 😀
En tout cas tu viens de faire sauter les pressions de mon babygro. 😛
bises Celest »in
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Viens dans ma classe, je te garde une place.
Ton babygro, tu es trop drôle !
¸¸.•*¨*• ☆
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Fais-moi une place
Au fond d’ ton cur
Pour que j’ t’embrasse
Lorsque tu pleures
Je deviendrai
Tout fou, tout clown, gentil
Pour qu’ tu souries…
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Longue vie à cette sensibilité là !
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L’avenir le dira mais le chemin parcouru est déjà bien long. 😉
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Ah, l’impatience: elle fait démarrer au quart de tour, fait courir à tombeau ouvert pour finir par faire faire des bêtises ! La fin est cocasse et, oh combien réelle ! Bravo pour le dynamisme que dégage ton texte !
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Je pensais me faire lapider avec ce texte 😉 un temps soit peu dérangeant. 😉
J’aime bien la chute effectivement. Merci du passage.
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c’est impertinent, j’adore !
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Merci Nath… mais j’ai modéré mes ardeurs. 😉
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J’ai passé un bon moment. C’est très drôle. Un regard ironique aussi sur la façon dont on fait des photos aujourd’hui. Pauvre mémé. Elle était plutôt sympa.
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L’ère du portable a révolutionné mais maintenant ça ne profite plus à des Kodak ou Fuji…Et le selfie a fait son entrée sur les réseaux sociaux.
cela dit j’adore faire des photos. Oui la mémé est sympa mais elle a détruit un objectif à 1 500 €. .
.
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j’ai adoré ton texte, il est frappant de réalisme sur les intentions que l’on porte à l’autre, sur son ressenti face à une situation … Célestine à raison mais c’est un vaste programme comme disait le grand Général…. Traitée avec ton humour il est politiquement correct…
avec le sourire
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Merci Lilou ! 😉
Parfois il arrive que quelqu’un se mette dans le champ quand on appuie sur le déclencheur, c’est à cela que j’ai pensé en écrivant ce texte. 😉
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Ah ah ah, j’adore le ton avec lequel tu écris !!
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Merci Stéphie, Le texte à l’origine était plus violent et je l’ai réécrit dimanche pour qu’il soit plus drôle.
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La photo pour l’album. La mamie pour l’histoire parlée. Tout ça pour un souvenir. Très beau texte. Filez au magasin acheter un autre appareil photo.
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Oui Quentin y a plus que ça à faire acheter un autre matériel. 😉
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Le stress de la vie nous entraîne parfois (souvent ?), dans des comportements odieux ! Méfiance !
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Oui et c’est sans doute de pire en pire, L’on est plus seul qu’avant alors qu’entre 1968 et 2013 la population mondiale à doublé. UN sacré paradoxe.
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Et oui, malheureusement
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Intéressant paradoxe au fond que ce photographe qui a l’objectif tourné surtout vers lui, en cadrant des scènes d’où il est toujours absent avec l’ultime objectif d’être le centre d’attention de tous à travers sa page Flickr. Je reste avec le sentiment qu’il a perdu quelque chose en laissant la pellicule 36 poses en argentique, comme si à pouvoir tout faire rapidement, nous fait perdre l’essentiel du geste posé. Beau texte, très bien écrit.
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Jolie analyse en tout cas Pier.
L’argentique avait un coup qui faisait que le photographe (amateur) se cantonnait à ne prendre que des photos dont il était sûr du résultat. L’ avantage du numérique c’est qu’il peut prendre des photos improbables qui se révèlent parfois être de jolies photos.
Merci à toi.
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et voilà encore un homme pressé…un boulimique de la vitesse vite ôte toi de là tu me déranges !
heureusement que la « chute » lui remet les idées en ordre ! ,-)))
j’ai aimé ce texte il en dit beaucoup sur nos comportements
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Merci Josette. 😉
Pas impatient mais souvent dans la photo de rue quelqu’un s’interpose entre entre le sujet et l’objectif , c’est rageant. 😀
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J’ai beaucoup aimé ton texte, qui égratigne nos modes de vie toujours plus pressés. Un excellent moment !
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Merci sympa le commentaire ! 😉
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C’est excellent! J’aime cette rencontre surprenante mais j’adore ce que ce photographe nous raconte sur son art. Bravo!
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Merci… J’ai cru que j’allais plutôt ennuyer avec un discours technique. 😉
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Non, cela passe comme une lettre à la poste
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Le photographe, chasseur d’images, est très bien croqué ! J’aime beaucoup ta façon d’évoquer sa relation à l’appareil, prolongement de l’œil. Je rejoins l’avis de Pierforest sur notre société narcissique : tu la décris très justement.
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Merci Albertine… j’aime bien parfois prendre le contre pied d’une photo et j’essaie aussi parfois de jouer les photographes.
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Quel ton! Je n’ai pas du tout abordébla photo sous cet angle et le tien est vraiment original.
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Rouh le début est plus qu’impertinent, un pied de nez à l’actu, non ? La suite est un régal, au ton désarmant pour ce photographe désarmé. 🙂
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pas très cool le mec !!…et dire qu’il y en a plein de ces personnes imbues d’elles memes qui jugent les personnes âgées qu’elles deviendront elles-memes ……………….
pas cool la reflexion sur ses culottes ‘de grand-mère’ …
elle a bien fait de se defendre LOL et la fin est un peu ‘à l’eau de rose’ mais c’est ça qui est bien quand on écrit on fait ce qu’on veut comme pirouettes ;))
ton texte est bien écrit je l’ai lu d’une seule traite, c’est vivant et plein d’energie mazette 😉 mais ce jeune photographe 😉 devrait aussi apprendre la patience et la tendresse envers les autres lol
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J’adore… Le ton est vrai, juste, honnête : tu montres très bien notre précipitation à trouver le sujet, le cliché, le scoop, l’image. Pour exister, être vu, vivre, même s’il faut égratigner, marcher sur quelques personnes au passage. j’aime le ton, le pied de nez de la fin, ton style. Bref…. merci ! !!!
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Ha le malotru ! Il se plaint de son appareil cassé mais il l’a bien mérité non ??? 😆 J’aime beaucoup la chute et je dois dire qu’une photo pareille ne m’inspirant rien du tout, je t’admire ! 😀
Bon je cherche ton billet de lectures depuis 20 minutes mais je le trouve pas, il date de quand ??? 😆
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https://hisvelles.wordpress.com/2015/01/16/lincolore-tsukuru-et-ses-annees-murakami/
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Quelle bonne idée de nous donner le point de vue du photographe. J’ai beaucoup aimé ta façon de « modifier » cette violence que l’on ressent pour finir sur une touche de légèreté et d’humanisme ! Merci 🙂
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C’est pas bien de jouer au paparazzi!
Non, sérieusement super texte! 😉
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Eh ben! La première phrase m’a fait rire. La suite est plus impertinente, comme tu dis. Mais j’aime beaucoup. Surtout le passage des filles à Montmartre… 😉
J’aime l’idée du narrateur centré sur lui-même, qu’une petite mémé ramène à la réalité.
C’est super bien écrit.
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