Le serpent venimeux était à ses pieds, la tête dressée surveillant le danger. La Reine gémissait devant son miroir essayant de repousser les atteintes du temps. La nature lui avait légué un corps sulfureux que l’âge reprenait peu à peu malgré ses efforts.
Pour elle, la beauté se mesurait au nombre de conquêtes dont elle abusait. Sentir sur son corps, les mains ensorceleuses de ses amants éphémères, était un plaisir indicible dont elle ne savait se passer.
Sur un signe d’elle, le reptile sacrifiait le soupirant. Comme une déesse guerrière, elle regardait la vie quitter sa proie. La morsure rouge virait au noir, la victime convulsait alors que la vie s’enfuyait.
La musique de « My foolish heart » de Bill Evans le tira de ses rêveries. L’artiste au piano exécutait un de ses morceaux préférés. Lorsqu’il ouvrit les yeux, le générique d’un film défilait, la lumière s’alluma et les gens autour le bousculaient pour se diriger vers la sortie.
Hagard, le temps de retrouver ses esprits il ne bougeait pas.
Il était dans une salle de cinéma et ne se souvenait pas de ce qu’il y faisait ni du film qu’il était censé visionner. Cette histoire de mante religieuse qui lui hantait l’esprit ne l’intéressait en rien. Au gros dur qui lui écrasa le pied sans délicatesse il planta son 45 dans le nombril, la face joufflue vira au rouge tandis que des remugles pestilentiels lui vinrent aux narines.
Etonné il regarda l’arme sans comprendre. Instinctivement il défit le chargeur, deux balles manquaient. Ses propres gestes l’interpellaient. Il suivit le générique jusqu’au bout, lisant chaque nom comme s’il devait lui rappeler quelque chose. Plus personne n’était dans la salle, seul face à l’écran, une main sur les tempes à la recherche de ses souvenirs, il était préoccupé.
Lorsqu’il quitta le Kinorama par un dédale d’escaliers et de couloirs sans fin, la pluie battait son plein, le ruissellement de l’eau dans le caniveau attira son regard, un bouquet de fleurs encore entouré de cellophane gisait par terre, un couple venait de se séparer.
Deux hommes l’encadrèrent, glissèrent un bras dans le sien. De chaque coté du corps, il sentit le canon d’une arme qu’on pressait sur ses chairs, « Suivez-nous » furent les seuls mots qu’on lui dit. Il n’opposa pas de résistance.
On l’aida à se glisser à l’intérieur de la Peugeot, le véhicule démarra promptement.
Au pied du Palais Présidentiel, Bernadette l’accueillit.
— Jacques voulez-vous faire une promenade nocturne avant d’aller vous reposer ? demanda-t-elle.
— Oui j’aimerai bien voir mes canards avant d’aller dormir.
— Monsieur le Président peut-il me remettre le colt 45 ? demanda avec déférence le garde du corps, tendant la main.
Il s’exécuta un large sourire aux lèvres.
Assis sur un banc plongé dans ses contemplations Jacques ne s’était pas rendu que les anatidés n’étaient pas au rendez-vous.
— Dites-moi Jacques cet après-midi dans la peau d’un amnésique armé vous a ravi ?
— J’ai bien aimé. J’ai senti comme une bouffée d’adrénaline lorsque je faisais la queue au cinéma et puis ce gros con à qui j’ai collé mon flingue dans le bide m’a procuré un plaisir inouï. C’était jouissif.
— Soyez poli Jacques voyons !
— Vous savez Maman j’aimerai bien retourner au Japon pour assister une fois de plus à un combat de Sumos.
— Sans moi Jacques vous savez cet étalage de bidoche me déplait.
— Mais je vous initierai Maman à cet art. Vous connaissez ma passion pour ce pays.
— Allons dormir Jacques il est temps.
— Est-ce que vous croyez que le petit Nicolas lorsqu’il prendra ma place saura s’occuper de mes canards ?
Elle ne répondit pas. La nuit était plus qu’avancée, la rosée brillait sous la couleur blafarde de la lune. Demain il faudra faire les valises.
Jacques souriait il allait enfin pouvoir regarder les femmes dans la rue depuis la fenêtre de son appartement.
Adieu le protocole, enfin !
Ecrit pour l’atelier d’écriture d’Asphodèle les mots qu’il fallait insérer :
Miroir, nature, nocturne, lumière, vénéneux, délicatesse, piano, contemplation, ensorceleur, temps, bouquet, éphémère, intérieur, sulfureux, déesse, rouge, couleurs, ruissellement, ravir, rosée.
PS: erreur sur le sens du mot vénéneux qui ne figure pas dans ce texte parce que je l’ai remplacé par venimeux suite aux conseils avisés qui m’ont été adressé.
Pas facile tous les jours d’être dans le carcan du protocole et des obligations dues à cette charge. Drôle de manière de décompresser, tout de même, mais texte très jubilatoire.
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C’était un homme attiré par les femmes qui m’amusait beaucoup. Les guignols de l’info ont aidé à faire de lui un homme attachant même si je ne partage pas grand-chose avec lui.
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Excellent, tu m’as fait rire dès le matin, c’est bien ! L’histoire des canards, je ne connaissais pas ! 🙂
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J’ai dérivé ici et là… Quand aux canards j’ai entendu cela si je ne me trompe pas.
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J’ai bien ris. Bravo.
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Oh tant mieux ! 😀
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Je connais le personnage…mais je ne me souviens plus du nom de famille…depuis quelque temps cela m’arrive de plus en plus souvent.
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Pas d’importance 😆 je crois qu’il était aux guignols de l’info c’est tout ce dont je me souviens.
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Texte surprenant et si drôle, bravo 🙂
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C’était amusant de l’écrire. 😛
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j’ai été très surprise avec le nom de ton personnage 😉
mais où sont les balles manquantes alors …..,?
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Le nom ? Il n’en a pas. 🙂
Les balles ? Tirées sur les nuages pour chasser le temps qui passe. J’ai cherché… mais pas de trous de balles.
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Une histoire sous forme de flash back. Ça ressemble donc à ça les distractions d’un président… 🙂 Belle imagination.
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Pas sûr que cela ressemble à ça mais qu’est-ce qu’on doit se faire c…. avec le protocole.
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Surprise à l’arrivée des canards après toutes ces armes ….ton texte interpelle.
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Moi il me fait rigoler mon texte, j’avais envie de dérouter dirons-nous !
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J’ai bien aimé ces remugles présidentiels…
Chaque fois que je viens te voir pour les plumes, je me dis: pourquoi je ne viens pas plus souvent? ^^
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En ce moment il n’y a pas grand-chose à lire chez moi la source est un peu tarie. Et tu sais que je me dis la même chose en passant chez toi… 🙂
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Coucou Jean-Charles,
Heureuse de te revoir dans cet atelier 😆
Comme ton texte est (un peu) long, je reviendrai demain, le savourer en entier 😉
Bon dimanche et gros bisous d’O.
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🙂 mais bien sûr.
Je n’ai pu m’empêcher de commenter ton blog tu es parfois trop drôle… 🙂 😀
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« il était préoccupé »? vraiment? on ne le croirait pas, à lire cette histoire, sauf peut-être pour ses canards 😉
bravo, très drôle et très original!
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En fait je ne sais pas… L’histoire des canards il me semble en avoir entendu parler, mais tout cela a si peu d’importance. 😆
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ah ! oui, ils sont barrés, les mots, ils y sont tous, et les idées piquées à Cléopâtre et ce grand Jacques dans toute sa splendeur, c’est exquis !
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Les idées se sont emboitées au fil de l’écriture jamais je n’aurai penser faire ce clin d’œil. 😛
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Pour éloigner l’image intimidante d’un haut personnage, nous avons tous plus ou moins la tentation de l’imaginer sur le trône poussant sa crotte et cela fonctionne assez bien. J’imagine même le grand Charles dans la même position et hurlant à tante Yvonne : « Il n’y a plus de papier ! »…
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Oui c’est le genre autosuggestion préconisé dans les manuels de développement personnel. Je ne suis pas sûr qu’Yvonne avait une tête à apporter le papier. 🙂
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Merci de m’avoir fait rire ! 😆
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Il parait qu’une femme qui rit est déjà à moitié conquise… 😆 joke 😛
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Une belle évasion pour Jacques ! 😀 😆 Très belle prestation, ton texte est très original. 😀
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Hahhah Sophie… juste une plaisanterie 😆
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Un corps sulfureux ? Quelle horreur !!!
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Hahahhah….Eh oui ! 🙂
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J’espère qu’il n’habite pas très haut dans son immeuble, et que c’est une rue passante sans arbres, parce qu’il ne va pas bien se régaler le Jacques
je suis en retard, mais me suis régalée, moi
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Tant mieux ! 😀
Il est au 1er étage d’un appartement avec vue sur le Louvre et la Seine.
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