Quel monde étrange !

Depuis que le monde est monde la terre est ronde et ceci est sujet à bien des débats. Que ce soit Aristote ou Galilée qui ait fait cette constatation n’a pas d’importance. Pourtant lorsque j’étais petit cette découverte m’était incompréhensible. En effet, j’eus beaucoup du mal à comprendre, même en feuilletant ma collection de « Tout l’Univers » ou en regardant ma lampe de chevet en forme de mappemonde, pourquoi l’océan antarctique et les mers australes ne tombaient pas dans le ciel. Je partais simplement du constat que lorsque mon verre était plein en le retournant le liquide tombait.

J’expérimentais mes théories au grand dam de ma mère qui trouvait sa cuisine inondée et moi barbotant dedans. Mes explications confuses l’amusaient. Elle riait quand je lui expliquais qu’au Pôle sud les gens marchaient la tête en bas et que je ne comprenais pas comment ils pouvaient survivre dans ces conditions. Dans ces moments là, ma petite sœur me regardait comme si elle avait affaire à un extraterrestre.

Ma mère tenta de m’expliquer. Elle me parla de l’attraction terrestre mais je faisais un blocage. J’avais l’impression d’être macrocéphale, de ressembler à un envahisseur. J’imaginais bien, dans les placards de mon cerveau, le rayon : cultures, qui refusait de s’ouvrir. Le tiroir de la connaissance était coincé et quoi que je lise ou que j’apprenne, tout rentrait d’un côté pour ressortir de l’autre.

Du bout des doigts je fis tourner le globe allumé dans ma chambre, imaginant dans l’hémisphère sud, un humain, un animal, tombant dans le ciel que je remettais aussitôt d’aplomb en renversant la lampe, et là, dans l’hémisphère nord quelqu’un d’autre tombait à son tour dans le vide.

Ce n’était pas logique !

Newton, la pesanteur et moi ne nous comprenions pas. Mais je ne comprenais pas plus, ces parallèles imaginaires dont certains comme le 49^ème , entre autres, sont des frontières terrestres entre états. La mer tenait toute seule dans le néant et des lignes parallèles servaient à découper la terre.

Quel monde étrange !

Si ma petite sœur se moquait de moi, c’est parce que, bien que plus jeune que moi, elle avait une faculté de compréhension plus aiguisée. Mes interrogations faisaient son bonheur. Elle aussi tentait le partage du savoir, avec ses mots à elle mais mon esprit borné se fermait devant toute tentative.

Certains soirs, alors qu’accoudé à la fenêtre je contemplais la tour d’en face et l’immensité astrale, craintif à l’idée de recevoir sur la tête, une météorite ou une étoile qui se décrocherait, ma sœur, telle une Nymphe de la guerre me sautait sur le dos, me tirait les oreilles et me faisait perdre l’équilibre.

Elle riait, comme une petite folle qu’elle était. Ses rires communicatifs faisaient fondre ma colère. Elle me chatouillait, fière de son emprise, heureuse d’exercer son pouvoir sur le piètre mâle que j’étais.

Curieux j’aimais feuilleter le journal, parfois lire, regarder les photos en noir et blanc, la couleur n’existait pas encore dans les quotidiens. Ma sœur attendait son tour pour suivre sa BD préférée : Mandrake le magicien.

Le soir venu, après Le manège enchanté quand Nounours lançait son éternel Bonne nuit les petits  il était temps pour nous d’aller au lit mais c’était surtout aussi le temps de la bataille de polochon jusqu’à ce que la voix douce de notre mère sonne la fin des hostilités. Ma sœur ne voulait jamais s’endormir seule et maman l’autorisait à rester avec moi si je n’y voyais pas d’inconvénient. Nous avions l’habitude de vivre au pluriel ma sœur et moi. Ma famille me réconfortait, j’étais dans un cocon fusionnel dans lequel je me complaisais et si je négligeais les copains d’école, c’est tout simplement parce que je n’en éprouvais pas le besoin.

Que de regret de cette vie d’insouciance !

Aujourd’hui, bien des années plus tard, la terre tourne toujours sur elle-même et fait sa révolution autour du soleil et la gravitation nous empêche de tomber dans le vide. C’est comme ça mais je n’ai toujours pas compris.

Les mots de la semaine à utiliser :

Gens, survivre, univers, découverte, terre, partage, bonheur, macrocéphale, cultures, tour, astral, grandeur, mer, extraterrestre, envahisseur, animal, mappemonde,  journal, pluriel, couleur, parallèle, fin, guerre, nymphe, néant, négliger.

Un spécial thanks à notre dame de Vendée pour avoir animé cet atelier d’été avec la bonne humeur que nous lui connaissons.