Dame pipi

L’atelier d’écriture de Skriban nous donne les consignes suivantes :

 » Elle s’appelle Fleurdelise Bérochu. 43 ans, célibataire, sans enfant. Un écureuil de compagnie. Un deux pièces près de la gare Saint-Lazare. Elle a fait des études, tenu des postes à responsabilité. Elle a connu l’amour mais ça n’a pas marché. Aujourd’hui, elle est Dame Pipi à Paris.

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Comment est-elle devenue Dame Pipi et pourquoi? Quel est son quotidien et comment le vit-elle? Fait-elle des projets d’avenir? A-t-elle décidé de révolutionner le monde des latrines? L’amour est-il au coin du lavabo?

Dans un texte de moins de mille mots, vous pouvez répondre à l’une ou l’autre de ces questions, voire à toutes…

Sérieux s’abstenir!

Je n’ai pas respecté les consignes mais voilà mon texte :

Dame pipi, il suffit d’entendre ce mot pour que je sorte ma sébile, eh oui vieille déformation professionnelle, des années de métier derrière moi, une expérience de la balayette et de l’eau de javel peu commune. Je n’en suis pas fière mais ça m’amuse. Les odeurs ? Croyez-vous qu’un médecin légiste de l’IML* sente encore la putréfaction du cadavre qu’il éviscère ?

J’ai commencé à écrire un livre : « La philosophie du besoin » rien à voir avec celle du boudoir du divin marquis. Je note depuis des années dans mon petit carnet les choses étonnantes sur le comportement où la physionomie de mes clients. Un jour peut-être mes années d’observation trôneront à la meilleure place dans les kiosques.

Contrairement à l’Assemblée Nationale quand les gens arrivent chez moi avec leur visage soucieux, ils repartent le sourire aux lèvres avec la satisfaction du devoir accompli et mieux ils se sentent en partant plus le pourboire est généreux. C’est pour l’argent que je n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis.

Je suis capable de deviner, rien qu’à la démarche ou au faciès grimaçant le but de la visite. La fébrilité indique l’urgence et lorsqu’aucun cabinet n’est disponible la pression monte. Je renifle à une lieue à la ronde le client emmerdant.

Mais aujourd’hui c’est la crise, notre profession est sinistrée, il y a eu des licenciements en masse dans notre corporation surtout depuis l’ouverture des sanisettes, ces lieux d’urgence qui ont fleuri sur les trottoirs et qui permettent à l’humain de se soulager aux pieds des arbres. Le syndicat des dames pipis voulait organiser des défilés dans les rues, avec inscrit sur nos banderoles jaunes : « Aidez-nous, nous sommes dans la merde ! » mais la préfecture sentant l’usine à gaz a interdit toute manifestation.

Une charge de dame-pipi ça s’achète à prix d’or, le volume des pourboires est conséquent. Nous assurons le service depuis quatre générations, personne ne sait que nous habitons dans un hôtel particulier de la rue de Passy. Ma mère a tenu à ce que j’obtienne une licence de lettres avant de lui succéder aux toilettes de la Gare du Sud, faut dire qu’on a le temps de lire dans ce métier et le kiosquier, notre voisin, m’avertit toujours de la sortie des nouveautés. Je suis une érudite.

Comme disait ma grand-mère : « L’argent n’a pas d’odeur. » et elle enchaînait toujours avec sa gouaille particulière : « Dame-pipi, Dame-pipi, Est-ce que j’ai une gueule de dame-pipi moi ! »

13 réflexions au sujet de « Dame pipi »

  1. Tu as déjà dégainé ? Tu es tombé du lit ??? 😆 J’aime beaucoup ton texte même si tu…éludes le passé de la dame, le reste est très bien vu !!! Je vais dire à Gwen que je vais essayer mais pas gagné !!! 😉

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  2. ton texte m’a fait sourire hier chez gwen et je reviens aujourd hui (avec une citation de Coluche qu j’aime bien : il parle de la CGT : Krazucki kiki, syndicat caca  »
    ok je sors ….

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