Hôtesse de caisse

Charles Cottet  1863 – 1925  Musée du Louvre

C’est un texte que j’ai repris, élagué, corrigé et dans lequel j’ai semé les mots relevés dans le challenge d’écriture d’Olivia : des mots, une histoire.

Avertissement :  Une histoire à ne pas mettre entre toutes les mains. 

Les mots de la semaine sont :

pensée – visiter – vieille – trois – désigner – simple – eau – beau – connaître – miasmes – gorge – entendre – loisir – cuisinière – moment – être  – effusions – dernier – se rendre

Jeudi, 3 heures, c’est parti pour la demi-journée. Je m’installe derrière la caisse, entre mon code, déclenche l’ouverture du tiroir et y glisse le fonds de caisse. Je sens qu’aujourd’hui sera un jour particulier. Les gens grouillent dans les allées. Pourtant, le jeudi est une journée plutôt calme.

Vivement 6 heures et ma pause cigarette. Penser à ça me déprime. Quelquefois, je me dis que je ferais mieux de monnayer mon corps, ce qui me rapporterait plus. Je ne gagne pas assez d’argent, mes loisirs sont restreints. Cette idée de faire la putain me trotte dans la tête depuis quelque temps. Je bosse ici un jour et demi par semaine pour gagner 350 € par mois, alors que deux heures avec un homme m’en rapporteraient autant.

Mon corps n’est pas en sucre. Je l’ai déjà donné pour être gentille, sans que le type m’attire particulièrement et je n’en suis pas morte.

– Bonjour, me lance la première cliente, déballant ses articles sur le tapis.

Je réponds poliment en faisant défiler ses achats devant le lecteur optique. C’est une vieille cliente âgée qui vient faire ses courses aux heures creuses.

– Il y a déjà du monde, dit-elle.

Certains provoquent la discussion, mais là je suis absorbée par mes pensées. Je l’ignore tout en restant correcte.

Je sens un regard appuyé sur moi. Un homme a déposé un pack d’eau sur le tapis et me reluque sans vergogne. Je n’y prête pas attention pourtant mon cerveau travaille à toute vitesse, est-ce ce genre de type qui paierait pour voir ? À cette idée une douce chaleur m’envahit, le type n’est pas mal, bien mis mais pragmatique je lui annonce le montant à payer. Il prend le temps de compter ses pièces, ses mains sont parfaitement propres, les ongles bien taillés et son sourire séducteur. Une question me brûle les lèvres mais je ne la poserai pas. Je me racle la gorge tentant d’oublier ces idées qui me perturbent.

Le jeune qui suit cherche à croiser mon regard avec insistance. Sur le tapis une boite de préservatifs « confort XL » avec un lubrifiant intime. Il me fixe d’un air goguenard.

Je lui demande, désignant la boite :

– Bonjour, es-tu sûr d’avoir pris la bonne taille ?

– Salut, répond-il. Si tu veux vérifier, je t’attends à la pause dans les toilettes à l’étage.

Trop sûre de moi, je réplique :

– J’aurais trop peur que tu me fasses faux bond.

– T’inquiète pas et viens.

-13,65 € pour le moment, dis-je laconiquement. Écoute-moi bien, j’y serai dans une heure et détends-toi d’ici là, parce que je n’aime pas les promesses non tenues.

– J’y serai. Je vais patienter chez Star-café et me conditionner pour être efficace dès que j’aurai baissé ta petite culotte.

– Sois-le avant, je n’en porte jamais !

Il s’éloigne de la caisse, le sourire aux lèvres. Il n’est pas mal, ce mec. C’est con d’avoir dit que je ne mettais jamais de dessous, parce que mon string, aussi petit soit-il, m’est d’une grande utilité, surtout en ce moment où je ne cesse d’imaginer cette prochaine partie de jambes en l’air.

Ma voisine de caisse, amie à la ville, à qui je tourne le dos, me hèle :

– Eh bien Laura ! Tu ne fais pas dans la dentelle !

– Tu trouves ?

– Tu profites de l’instant présent. Moi je n’ose pas.

– On n’a qu’une vie. Tu veux venir avec moi ?

– Non avoue-t-elle, une étreinte trop rapide me laisse sur ma faim. Dommage !

– Ah ! C’est la vraie raison ?

– Bien sûr ! Mathieu possède une excellente réputation. Dans le centre commercial son surnom est «sextoy».

– Tu veux que je le branche pour toi, si c’est une bonne affaire ?

– Non. Moi c’est de toi dont j’ai envie. Connaître ça avec toi et un mec. Sûrement que le mec n’est qu’un prétexte pour ne pas culpabiliser sur ma sexualité.

– Oh ! Tu t’embarrasses, ma pauvre. C’est simple, pour moi tu serais un plus, une cerise sur le gâteau.

– Waouh… Mais c’est ça que je désire, être une cerise, ta cerise !

– Et tu veux que je te mange ? On en parle plus tard. Je te laisse. Je cours à mon rendez-vous.

– D’accord et n’arrive pas en retard, c’est Martine à la caisse centrale et tu sais bien que c’est une peau de vache.

Mon futur amant m’attend devant les toilettes. Chacun prend un jeton pour accéder aux cabinets mais, sitôt passé la dame-pipi, il me suit chez les femmes. Il n’y a pas grand monde, c’est facile. Je l’attrape par la braguette, le fais entrer avec moi puis bloque la porte. Je jette un coup d’œil circulaire l’endroit est propre, aseptisé sans miasme.

– Déshabille-toi lui dis-je enlevant moi-même pantalon et string, on a peu de temps. Effectivement, il a un sexe de belles dimensions.

– Je ne pensais pas m’en servir aussi rapidement, ironise-t-il enfilant un préservatif…

Je me rends à l’évidence, ce garçon mérite sa notoriété, en un rien de temps j’ai visité le septième ciel et j’ai du mal à redescendre. Je lui glisse dans la main un papier avec mon numéro de mobile.

– On s’appelle, fais-je, en essuyant mes effusions pour me rhabiller rapidement.

– La prochaine fois j’espère que nous aurons plus de temps. Ah, au fait je m’appelle Mathieu.

Je suis en retard et je cours vers mon poste de travail. À peine assise, j’entends le bip du téléphone, je sais que c’est la caisse centrale :

– C’est la dernière fois que je tolère tes retards, la prochaine fois ce sera un avertissement.

Je suis de bonne humeur alors je lui dis gentiment :

– Ne te gêne pas !

Je mets mon voyant au vert en m’installant. Aussitôt une file se forme à ma caisse. Ce qui me laisse joyeuse, c’est mon corps qui me rappelle ces instants magiques que je viens de vivre. Cath, ma collègue, m’interroge :

– Ça va ?

– Oui, c’était fabuleux. J’en redemande.

– À ce point ?

– Oh oui ! Mais je ne t’oublie pas. Bonjour madame, oui, 15,80 €. Vous payez comment ? Au revoir madame.

Il faut que je trouve un autre boulot, plus intéressant. J’y réfléchirai. J’attrape un bout de carton dans la poche arrière de mon pantalon, et le regarde distraitement. C’est une carte de visite au nom de Mathieu Dupont, département cuisinières, représentant, sur laquelle est gribouillé un numéro de téléphone.

Je souris.

Voici le texte original https://hisvelles.wordpress.com/2011/06/02/lalternance-caissiere-ou-putain/

23 réflexions au sujet de « Hôtesse de caisse »

  1. bouhhhh c’est chaud par ici !!! 😆
    Retour tonitruant !!! 😆
    Les femmes ont des armes pour pouvoir les utiliser moyennant finance. si la personne n’a pas de problème avec ce rapport là faut foncer moi j’dis ! lol
    bonne journée !

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  2. Et en plus, c’est la caissière qui a du « régler » le jeton pour l’entrée des toilettes!?
    Sur son Smic horaire?
    Oulà, l’est pas prête de faire fortune, l’hétaïre!……

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  3. Je vais te dire, j’ai foutu le livre d’Anaïs Nin au placard après 60 pages tellement c’est nase.
    Je vais lire le texte original, non édulcoré…là j’ai plus le temps mais je reviendrai te lire car ici il y a du suspens et l’imagination peut faire son travail…
    Bonne fin de semaine !

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    1. Il n’est représentant que parce que je ne savais où mettre la cuisinière !

      « Elle rentre son ventre à chaque fois qu’elle sort
      Même dans « Elle » ils disent qu’il faut faire un effort

      Ne la laisse pas tomber
      Elle est si fragile
      Etre une femme libérée tu sais c’est pas si facile
      Ne la laisse pas tomber
      Elle est si fragile
      Etre une femme libérée tu sais c’est pas si facile »

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  4. Bah choupinet c’est le retour de la force rose !!! Ou comment éviter un plan de carrière quand on a des plans…bip… !!! 😆 Je ne dis rien pour cette fois-ci, tu l’as bien élagué et les phrases courtes te vont décidément bien, on va jusqu’au bout même si ce n’est pas notre tasse de thé et dans ma bouche c’est un compliment !!! 😆
    Pauvre MTG, avec Anaïs Nin, c’est pas du chaud bouillant !!! 😀

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  5. Et bien NON je n’ai pas été au bout de ton texte hyper long, Jean-Charles.
    Et OUI j’ai même pas peur de te le dire. Miss Aspho est bien bonne avec toi.
    Je préfère quand tu fais des textes sur d’autres sujets, celui-là ne m’intéresse pas du tout.
    Ceci dit, tu as le droit, c’est ton espace 😆
    Bonne semaine & bisous d’O.

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  6. Voilà une nouvelles chaude qui va me mettre en forme pour toute la journée. Je vais de ce pas dans le super-marché à côté de chez moi pour voir si par le plus heureux des hasards il n’y aurait pas …

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À vous de jouer, quelques lignes pour vous exprimer :