Un poker sensuel

L’heure était-elle à la réconciliation ? Difficile de le dire. Ses chaussures italiennes battaient le pavé. Elle marchait depuis longtemps, la pluie avait cessé et le froid saisissant ne l’atteignait même pas. Son regard fixe traversait ceux qu’elle croisait, sans les voir.

Quand elle avait appris par une de ses amies que Flavio la trompait ; elle avait d’abord cru au canular, leur histoire trop belle, gênait. Beaux gosses tous les deux, leur réussite provoquait autant l’admiration que la critique. Elle avait hésité pensant qu’Alessandra mentait par jalousie, par haine, parce qu’elle l’avait quittée. Elle la savait susceptible de ne rien pardonner.

Flavio et Graziella s’étaient rencontrés autour d’une table de poker, tous deux joueurs professionnels dans le circuit WPT. Leur passion commune les menait de tournois en tournois d’un bout à l’autre du monde. Ils évitaient maintenant de s’inscrire dans les mêmes compétitions, depuis qu’ils avaient emménagé, dans un loft près du vieux port. Inséparables, ils voyageaient ensemble.

Leur affrontement au petit matin, dans les draps satinés, une fois que les lumières des projecteurs étaient éteintes leur suffisait. Graziella aimait sentir les doigts de son amant courir sur elle, les mains avaient sur elle un pouvoir érotique et décuplait sa libido. Celles de Flavio étaient particulièrement belles, soignées, excitantes et provoquaient chez elle des raz de marée qui laissaient au fond de ses yeux cobalts comme des étoiles qui scintillaient.

Elle était en admiration devant son savoir faire, sa virtuosité, pour son plus grand plaisir, équivalait à celle d’une femme. Elle connaissait bien cela, depuis le temps qu’elle avait cessé toute relation avec la gent masculine, à force de côtoyer ces hommes dont l’horizon ne dépassait pas le bout de leur pénis. Elle avait renoncé, troquant l’organe contre l’olisbos.

Pourtant elle se demandait encore comment elle avait pu lui céder, à lui Flavio, car au contact d’un homme elle devenait généralement aussi froide que la banquise. Lorsqu’elle avait gagné au poker abattant une double paire à la dame par les huit alors que lui-même montrait la même main, seul le départage de la cinquième carte un valet pour elle, un deux pour lui, avait plaidé en sa faveur. Flavio s’était incliné élégamment lui souriant tandis qu’elle ramassait les jetons. Elle l’avait subjugué, son sourire incendiaire l’avait émoustillé plus que de raison. Sans doute venait-il de perdre une bataille mais certes pas la guerre.

Si elle riait sous cape c’est qu’elle avait deviné son manège, là ou il voulait en venir. Mais dès l’instant où il avait recouvert sa main de la sienne, elle avait senti son corps la trahir, l’abandonner et c’est l’apnée subite qu’elle venait de faire qui la conduisit dans ses bras.

Elle avait beau réfléchir, elle était sûre qu’Alessandra avait inventé cette histoire. Elle avait une confiance absolue en Flavio et comme elle passait les trois quarts de son temps avec lui, il était impossible qu’il la trompe. Sauf à trousser une femme de chambre dans un placard ce dont elle doutait, l’intensité de leurs ébats était telle qu’elle n’imaginait pas une seconde une duperie.

Elle ne ferait aucune vérification, persuadée de son charme comme du sien. Si Alessandra pensait mettre une ombre dans leur relation, elle se trompait.

Rassérénée, elle accéléra le pas pour retrouver Flavio. Ce soir elle avait envie d’une straciatella et d’un saltimbocca, sentir l’huile d’olive, les câpres et la sauge avant de le soutenir dans son dernier combat pour être champion du monde. Ensuite c’est sur le tapis vert, toutes lumières éteintes qu’elle dansera pour lui.

 L’atelier d’écriture : des mots, une histoire sur le blog d’Olivia Billington. Les mots étaient :

apnée – admiration – tournoi – vérification – pardonner – mentir – circuit – chaussures – canular – susceptible – emménager – satiné – banquise – cape – scintiller – pavé

29 réflexions au sujet de « Un poker sensuel »

  1. Eh ben, j’en suis bouche bée, j’ai du mal à croire que nous avons utilisé les mêmes mots tant nos textes sont différents, c’est excitant ! (euh le fait d’utiliser les mêmes mots et d’écrire des textes complètement différents, rires).

    J’aime

  2. Et ben, dis-donc, Jean-Charles, t’as l’air de t’y connaître au poker et ailleurs : lol:
    Le roi de la technique, hein !
    Voui, y’avait longtemps… mais tu sais, trop de sexe tue le sexe, comme pour la pub ou l’info 🙄
    Bon we & bisous d’O.

    J’aime

  3. J’aime beaucoup ton style d’écriture, très fluide, qui dessert à la perfection cette tranche de vie, qui pourrait avoir une suite. Qui sait…
    Tu sembles bien connaître le monde du poker, à moins que tu te soies documenté, pour plus de réalisme…

    J’aime

    1. Merci 😳 La suite peut être ou pas, c’est difficile d’une semaine à l’autre le lecteur se perd, oublie et se lasse. J’avais essayé. 🙂
      Quand au jeu et le poker en particulier, non non je ne connais pas, mais internet donne des ficelles et c’est bien pratique.

      J’aime

À vous de jouer, quelques lignes pour vous exprimer :