Première enquête

Incroyable le carnage qu’il y avait eu là-dedans. Pour sa première enquête sur le terrain,  la nouvelle recrue Florian Courtois allait être servie.

Un voisin avait alerté la police alors que deux voitures allemandes, toutes vitres teintées,  dévalaient l’asphalte à grande vitesse. Il pensait avoir entendu des coups de feu sans toutefois en être certain mais la coïncidence était inquiétante.

La police soupçonnait des choses bizarres dans ce coin retiré mais sans preuve et sans mandat, pas facile d’intervenir.  Pour l’heure, Blondeau, le flic chargé de la réception des appels, avait réagi dans l’immédiateté, surprenant même son supérieur un peigne à la main se mirant dans l’écran de son ordinateur, lorsqu’il entra sans frapper.

La patrouille la plus proche fut mandatée sur les lieux, Florian Courtois conduisait vite et d’une main sûre la Clio de service. Le brigadier Sabelle faisait montre d’insouciance devant la bleusaille tout en serrant les fesses. Á quelques encablures de la retraite, il ne voulait pas croiser les bolides en pleine course et chavirer dans le fossé. Par ailleurs, il devait garder l’œil sur le GPS  agissant comme copilote pour se retrouver dans le labyrinthe de ces routes de campagne, la connexion satellite n’étant pas très bonne, il fallait être vigilant.

Une tension perceptible régnait dans l’habitacle, Florian tout à sa conduite révisait les scénarios appris à l’école de Police, hormis quelques contraventions délivrées ici ou là, des rapports à remplir au commissariat, sa vie n’était pas plus émaillée de surprise que celle de n’importe qui d’autre. Pour une fois quelque chose de différent l’attendait au tournant d’une route de campagne, il sentait l’adrénaline couler dans ses veines et même dans son sexe. Il était gêné de cette érection soudaine, d’habitude cela n’arrivait que lorsque, sourire aux lèvres, il passait en revue sa nuit agitée avec Vanessa. Il faut dire que la couleur café de sa peau mêlée à l’odeur de bergamote dont elle se badigeonnait avait un effet électrisant sur lui.

— Ça ne va pas ? demanda le brigadier Sabelle, tu es tout rouge ?

Courtois grommela une réponse inaudible. Rassurant, le brigadier lui expliqua qu’il n’aurait qu’à rester en arrière pour le couvrir. La déception se lut sur le visage du chauffeur. « Merde pour une fois que je pouvais sortir l’arme au poing, pensa Florian, et le vieux qui ne me fait pas confiance ! »

Pourtant arrivés sur les lieux, ils sortirent ensemble de la Renault, l’arme pointée sur la longère dont l’une des portes était grande ouverte. Sabelle courut se positionner sur le côté droit de la porte, indiquant à son jeune collègue de venir sur le flanc gauche.

— Y’a quelqu’un ? demanda-t-il par deux fois.

En l’absence de réponse, il pénétra dans la maison, renversant un vase en laque de Chine bleue qui se brisa.

— Merde ! jura-t-il.

Florian s’entendit dire :

— Ça va chef ?

— Oui. Personne ici, entre, je vais sécuriser les autres pièces.

En entrant, Courtois se trouva confronté à une scène qu’il n’aurait jamais pu imaginer. Une telle boucherie était impensable, du sang recouvrait une partie des murs de la grande salle. Les touches du piano étaient maculées d’éclats de chair et d’os. L’odeur était ferrugineuse. Sur la partition de Haydn qu’il reconnut, les trilles étaient recouverts de taches presque sèches. Evitant de marcher ça et là, il sortit de la pièce en courant pour régurgiter son petit déjeuner, un geyser fielleux éclaboussa ses chaussures.

— Putain de bordel de merde !

Il était énervé, il ne s’attendait pas à voir ce genre de choses, même s’il savait que ça pouvait exister. Major de sa promotion, les exercices de simulation ne l’avaient pas préparé à ça. Y’a que la vie pour ça.

Sabelle l’apostropha de la porte :

— Tu as gerbé ?  Ca va mieux ?

Florian répondit d’un signe de tête. Le visage cireux. Il n’avait pas encore vu les cadavres à l’intérieur.

— Vas t’affranchir et ne touche à rien, lui recommanda le brigadier. Après ça ira mieux. Je vais avertir le QG par radio.

Le jeune homme entra de nouveau dans la pièce. Sur la table les assiettes à moitié vides étaient étalées. Une boite hermétique fermée contenait des choses étranges.

Au coin de la table, dans une création relevant de l’imaginaire du diable, un homme et une femme gisaient, ou ce qu’il en restait. Défigurés tous les deux, sans doute par les balles d’un fusil à canon scié, tirées à bout portant, leur arrachant une partie du crâne. L’homme, à plat dos, le pantalon baissé à mi-genoux, avait été émasculé, ses intestins s’étaient vidés sous lui, la femme lovée sur lui était entièrement nue.

Courtois sortit, un voile de tristesse dans les yeux.

— La Scientifique arrive, dit le brigadier Sabelle. Dommage que Le Hérisson ne soit plus de ce monde !

Les mots qu’il fallait utiliser : Immédiateté – assiette – création – café – peau – trille – absence – bergamote – confiance – peigne – hermétique – insouciance – facile – tristesse – sourire – diable – déception – labyrinthe – sang – coïncidence – chavirer – connexion

Un atelier d’Olivia 

                                                                                                                 

41 réflexions au sujet de « Première enquête »

  1. Bouh… !!! Juste après le petit déj’ tu abuses !!! M’aurait étonné qu’il n’y ait pas une pointe de sexe !!! 😆 Et tu as trouvé un créneau pour faire revenir le Hérisson, pas mal du tout 🙂

    J’aime

  2. Dantesque ! Effectivement tu n’as pas fait (couler le sang) les choses à moitié ! Je m’attendais à la vengeance d’un partenaire déçu sur l’autre conjoint mais là il semblerait que les choses soient moins simples ! Alors quoi ? Un partenaire qui se venge sur les 2 tourtereaux surpris dans leur planque ? .. Je vais faire attention désormais à ce que je mets dans mes commentaires ici ou ailleurs 😉
    Coincoins fourchus !

    J’aime

              1. Les histoires d’amour entre El Canardo et Olivia ne me concernent pas.. Je ne lis pas tout. 😀 😛 😛
                Il se serait agi d’un voyage d’études pas de vacances je n’y ai pas le droit. 😀

                J’aime

  3. Je n’ai pas lu beaucoup de scènes de ce genre… La dernière fois ça devait être dans « Le testament de Sherlock Holmes » de Bob Garcia. De l’hémoglobine en masse…
    J’espère qu’ils arriveront à choper le coupable. Non mais!

    J’aime

  4. On se croirait à la télé ! sauf que devant la télé, je dors, et là, j’suis obligée de m’appliquer à lire ton billet :lol :
    Et tu crois que je vais dormir, maintenant, hein ?
    Une horreur bien joliment écrite, mais une horreur tout d’même !
    @ vendredi, j’essaie de ne pas être dans le jus la prochaine fois…
    Bises d’O.

    J’aime

    1. Ah tu es la bonne cliente à emmener au cinéma alors ! 😀 Bon aller confidence pour confidence, moi aussi je dors devant la télé. 😛
      T’as vu comme je suis bon quand je fais dans l’horreur .

      J’aime

  5. Ah je comprends mieux maintenant : je lis dans le désordre (dur de rentrer de vacances 😉
    Dans le genre hémoglobine, j ai bien aimé Fred Vargas : un lieu incertain 🙂

    J’aime

    1. Oui d’ailleurs j’espère qu’avec le nouveau gouvernement ça va être supprimé…les vacances. 😀 Perte de temps !
      Franck Thilliez est excellent pour les bains de sang et les histoires sont excellentes, mais je note Fred Vargas. 😉

      J’aime

À vous de jouer, quelques lignes pour vous exprimer :