une photo, quelques mots (34)

Fidèle à sa devise : Quoi qu’il arrive garder le moral, telle était sa ligne de conduite. Une règle d’or que malgré elle, elle avait transgressée plusieurs fois.

La maladie s’était immiscée sournoisement, un mauvais concours de circonstances qui l’avait d’abord assommée. Elle était groggy, mais elle s’était relevée.

La mort lui avait fait des clins d’œil qu’elle avait ignorés. « Pas question » disait-elle ‘tu ne m’auras pas. »

Marie avait du caractère et c’était quelqu’un qu’on ne pouvait qu’aimer. Gentille, douce et tenace. Rien ne l’arrêtait et la Faucheuse n’avait qu’à bien se tenir, elle lui mettrait quelques coups pour qu’elle se détourne d’elle.

La chimiothérapie lui bouffait la santé. « je suis maigre comme un cadavre » plaisantait-elle détournant le regard de sa silhouette décharnée. Manger et garder ce qu’elle avalait était une gageure.

Pourtant chaque fois que je la croisais elle me disait « Je suis encore là, tu vois. » J’avais bien des fois détournés les yeux parce qu’elle ne voulait pas entendre parler de commisération. Je ne voulais pas qu’elle lise dans mon regard que je n’y croyais plus, que j’avais baissé les bras. La pitié l’énervait et c’était admettre qu’elle puisse être faible, et là…

Perdre pour elle était inadmissible alors elle s’est battue. Chaque fois que le coup était mortel et qu’elle se relevait, elle était encore plus fière.

Rémission disaient certains, même le toubib n’osait plus se prononcer. Il continuait ses investigations, parfois incrédule, mais heureux de la voir en vie. Elle était sa mascotte celle qu’il montrait volontiers à ses étudiants à qui il disait tout le temps « Le moral et les médicaments arrivent à bout de bien des maladies. »

L’espérance de vie qu’il lui avait accordée n’était qu’un lointain souvenir. Elle avait remporté la bataille, au prix de bien des souffrances.

Bien sûr, elle était sur son petit nuage, et quand les gens la regardaient le soir faire ses mots croisés sur le trottoir, ils rigolaient. Elle était étonnante, rayonnante. Elle inventait ses propres grilles qu’elle envoyait aux journaux dans lesquels figuraient des mots comme optimisme, espérance, conviction, des mots plein d’espoir.

Elle s’amusait toujours de cette petite phrase de Frédéric Dard : Mon Dieu que votre volonté soit fête. »

Atelier de Leiloona sur le blog Bricabook

16 réflexions au sujet de « une photo, quelques mots (34) »

  1. Il est génial ce texte ! J’aime beaucoup… Et les phrases courtes te vont décidément …très bien !! :). En plus tu dis tout haut ce que les gens pensent tout bas en la voyant ! Pas facile de lui coller une étiquette !

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    1. Oh merci Choupinette ! 😀
      J’avais fait un texte un peu lourd que j’ai jeté pour recommencer celui-là qui me semble un peu plus léger et laisse une note d’espoir.
      J’aime bien les phrases courtes, c’est punch et ça correspond bien à mon style.
      Bisous Aspho 😉

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  2. Je n’aurais pas osé aborder ce sujet, Jean-Charles, et pourtant ton texte colle parfaitement à la photo.
    Tu mets le doigt sur une chose essentielle, pour combattre cette terrible fatalité, le moral.
    J’ai beaucoup aimé ta façon d’en parler.
    Bises de Lyon

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    1. Tu sais j’ose tout je n’ai pas de tabou ni de crainte tant que ça ne parle pas de moi. Je mets le doigt sur des choses qui me touchent, j’ai connu quelqu’un qui s’en est sorti contre toute attente.
      Tu vois je t’ai écoutée… J’ai changé de registre. Mon texte à l’origine était bien moins drôle et bien moins d’espoir et je l’ai supprimée.
      Mais je reviendrais vers le « noir » (texte) c’est mon élément. 😉 😦

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  3. Une maladie qui ronge, mais le moral est là, heureusement. 😀 Ton style est décapant, comme toujours. 😀 L’efficacité de ton texte est indéniable. 😀 J’adooore ! 😀

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