Un juste retour de médaille

Cool le mec, comme s’il ne s’était rien passé. Un étudiant quelconque à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Pourtant, ce n’était pas la première nana sur qui il cognait. Ce n’était pas la première nana qu’il envoyait aux urgences se faire raccommoder. Ce n’était pas non plus, la première qui se tairait. Les gens cachent leur honte par des silences. Des consentements.

Elle l’aimait. Soi-disant. Quand elle disait cela, elle avait tout dit. Ceci expliquait cela. Lui aussi l’aimait. C’était sûrement pour ça qu’il agissait ainsi. D’ailleurs il les aimait toutes. En général.

Elle, comme les autres avant, se posaient la même question. Est-ce qu’aimer c’est accepter ?

Avec ses copains il paraissait plutôt timide, calme. En fait, en avait-il des copains ? Trop introverti. Trop entier. Trop quoi ! Incapable de s’intégrer. Solitaire.

Il avait failli gifler sa prof de droit l’autre jour. Elle l’avait rembarré devant tout le monde. Parce qu’il venait de dire une énormité. Il avait rougi. L’affront. Il devinait les inflammations cuisantes sur ses joues. La fureur l’avait saisi. Alors il l’avait fixée méchamment. Clouée sur place. Crucifiée. D’ailleurs elle avait senti la peur la glacer. Elle avait décelé toute la violence dont il était capable. Elle avait découvert sa brutalité. Sa méchanceté. Sur le moment, elle s’était enfuie de l’amphithéâtre, tremblante et mal à l’aise. Elle n’en avait rien dit, ni à ses collègues, ni à sa hiérarchie.

Il avait l’air de rien assis sur la barrière du métro. Juste, d’un potache sérieux. Il était calme. Trop calme peut-être. Il prenait le soleil. Potassait. Comme si…

Il ne voulait penser à rien. Bosser. Bosser encore. Pour décrocher son diplôme.

Il avait quitté la maison en courant. En proie à la panique. Le feu aux fesses. Après s’être lavé les mains. Nettoyé le sang sous les ongles. Il n’aimait pas ça le sang. C’était visqueux. Et l’odeur ! L’odeur de fer à laquelle il ne s’était jamais habitué.

Le chien avait couiné cette fois-ci.

De l’air, de l’air. Il lui fallait de l’air. Il lui fallait fuir. C’était oppressant. Irrespirable. D’habitude c’est elle qui partait mais là…

Il avait sans doute tapé trop fort.

Pourquoi ? Pourquoi avait-elle dit qu’il était un piètre amant ? Pourquoi avait-elle dit qu’elle simulait depuis deux ans ? Pourquoi l’avait-elle traité de petit zizi ? La pire des injures. Son éternel complexe. Pourtant il était sûr d’être exceptionnel. Et jusqu’à aujourd’hui il n’en doutait pas. Mais là, elle avait blessé son ego. Bien sûr qu’elle avait bu pour balancer de telles insanités Ça, plus la pizza qui brulait dans le four, c’en était trop. Elle l’avait déstabilisé. Atteinte à sa virilité, il ne s’était pas retenu.

Il avait toujours su que son père frappait sa mère. Les yeux au beurre noir, les bleus, les bras cassés, c’était son quotidien. Pourtant il pleurait avec sa mère. Pourtant il voulait lui casser la gueule à son père. Et puis…

Sans réfléchir, il avait reproduit les mêmes gestes. La première fois ça l’avait contrarié. Puis il s’y était fait. Naturellement. Oubliant ses remords. Comme une façon de vivre.

Aujourd’hui il lui avait mis une telle taloche qu’elle s’était effondrée sur le radiateur. La tête la première. Le chien n’avait pas eu le temps de s’en aller.

La sirène de la police le sortit de sa torpeur. Les flics filaient droit sur lui. Avait-il quelque chose à se reprocher ? Il sauta du garde-fou du métro. Hagard. La sueur coulait sur son front. Il se mit à courir sans réfléchir, sans regarder.

Le pilote tétanisé ne freina pas lorsqu’il aperçut trop tard, un homme traverser le boulevard.

Un atelier sur le blog bric a book une photo, quelques mots.

21 réflexions au sujet de « Un juste retour de médaille »

  1. Eh bien … Oui, un texte dur, mais une façon très originale de prendre le contre-pied de cette photo. Un point de vue intéressant !
    Quand à cette fin … Tu es machiavélique car tu nous mets dans la peau du méchant. Comment, en effet, après une telle description, éprouver une once de pitié à l’égard de cet homme ?

    Brrr, je ne le verrai plus pareil, tiens.

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    1. Pitié mais en est-il besoin ! Même si l’on reproduit ce qu’on a vu faire, il est toujours possible d’y mettre un terme.
      Je suis toujours en décalage par rapport aux photos que tu présentes mais je cultive cette différence. Ecrire quelque chose de drôle me paraît difficile et je ne suis pas sûr de savoir le faire.
      J’aurais pu terminer ce texte en lui trouvant mille excuses mais ça me paraissait difficile de cautionner ça ou alors en usant de bien plus de cynisme.
      Je détournerai toujours tes choix de photos à mes façons. 😳
      Kot tu le connais ? Lit-il les textes par curiosité ?
      Tiens j’te claque une bise. 😉

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      1. Ah mais tu as entièrement raison de les détourner ! Chacun y met du sien, et ceci te caractérise, et j’aime ça !
        Quant à la pitié, je voulais souligner le paradoxe : nous n’éprouvons aucune pitié pour ton perosnnage, et du coup nous nous mettons un peu dans sa peau, puisque lui non plus ne semble animé d’aucun sentiment. Je ne sais pas si je suis claire, là …

        Quant à Kot, je le connais, oui, mais pas irl … Ou peut-être une fois, je ne sais plus. Il ne lit pas toujours les textes, mais il les lisait plus au début. un manque de temps sans doute. Je lui poserai la question.

        La bise aussi ! 😀

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  2. J’espère que tu es dans la vie tout le contraire de ton imagination !
    Tu nous fait peur, hein ? Si un jour on va ensemble au célèbre Bouillon, je ferai gaffe 🙂
    C’est trop moche, mais c’est bien écrit et y’a le mystère jusqu’au bout… une belle fin, il ne méritait rien de bien, ce mec !
    Moi, j’ai cru que c’était une fille, sur la photo ! mais où sont mes lunettes ? 😆
    Bisous

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    1. Oui j’ai vu dans ton texte ce matin que tu pensais que c’était une fille. Mets tes jumelles sinon tu vas virer ta cuti sans t’en rendre compte : 🙄
      mais non je ne vais pas te rassurer, je suis à la mesure de ce que j’écris, un gros salopard, forcément.
      Et je parle obligatoirement de ce que je connais.
      Donc méfie-toi si je vais t’attendre à la gare !

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  3. Ha ha ! Même pas peur !!! En ce qui me concerne car je sais que tu as l’imagination en ébullition ! Ton texte est très bien écrit, phrases courtes et percutantes et surtout on s’identifie au personnage (même s’il est impossible de l’aimer, le comprendre et l’excuser) mais ça fonctionne jusqu’au bout, bravo ! 🙂

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    1. Ah j’aime bien ton commentaire. 😀 Tu as remarqué les phrases courtes qui donnent le ton.
      Si j’ai le cerveau lent il bouillonne toujours, bien sûr !
      Tu vois Soène se pose des questions, maintenant. 😀

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