L’heure avait sonné

J’avais des envies de meurtre, allez savoir pourquoi !

Dans ce train qui m’emmenait vers Strasbourg, il eut été facile d’ouvrir la porte et de pousser un inconnu sur la voie, rien que pour le plaisir. Je n’avais pas un tel projet lorsque je me rendis à la gare ce matin-là. L’idée germait sans doute au fond de mon cerveau. En tout cas, je  n’allais pas le chanter sur tous les toits.

J’avais quitté un lit chaud, Sandy n’avait rien fait pour me retenir. Nous nous étions un peu coltinés la veille, j’avais une folle envie de faire l’amour, pas elle. La lutte s’était engagée. Un mauvais coup au thorax l’avait énervée mais occupé par mon plaisir je n’y prêtais guère attention. Alors elle hurla : Et la tendresse, bordel !

Assis en seconde classe je regardai la neige tomber. Un client de la Compagnie voulait réaliser une étude séismologique dans sa région. Le parcours monotone me semblait plus long que d’habitude. Le paysage défilait. La neige avait fait son apparition et les flocons formaient un rideau blanc limitant ainsi la visibilité.

Depuis une semaine mon avant bras me grattait. Les croûtes n’étaient pas encore tombées mais la scolopendre que je m’étais fait tatouer affichait ses contours. Une drôle d’idée qui m’obligerait à porter des chemises à manches longues toute l’année.

La locomotive avançait inexorablement. Je repensais à Marie-Antoinette, vue à la télévision hier soir, après l’altercation avec Sandy. La reine attendait son exécution, la hache s’abattait sur le cou gracile, la tête décapitée roulait dans la boue alors que le sang coulait sur le billot. Eh non ! Ça n’était pas du jus de tomates !

J’avais acheté sur internet, un livre qui s’intitulait : Petit manuel du dernier soupir. C’était  la bible en la matière, réalisée par d’éminents chercheurs spécialisés dans le crime parfait. Il regorgeait d’inventivité et pour les néophytes comme moi, tout était décrit clairement. Pour une fois je n’avais pas fait d’erreur lors de cet investissement.

Avec Sandy j’avais essayé diverses techniques d’étranglement. Elle était aussi folle que moi et se prêtait à des jeux de strangulation parfois limites mais qui la menaient au nirvana. Sauf une fois où j’avais appuyé un peu fort sur la glotte si bien qu’elle avait vomi en expirant violemment.

Mais pour mon premier meurtre, il fallait dénicher le meilleur prochain cadavre. Accoster quelqu’un dans ce train et m’en débarrasser ne me posaient pas de problème. Pour mon premier essai, une jeune fille désorientée serait un cobaye idéal. Je devais agir vite. Attendre qu’elle  aille aux toilettes. La pousser à l’intérieur de la cabine, refermer la porte au verrou, tout en l’étranglant le plus fort possible. Elle ne cria pas. Ma prise était ferme, je serrai fort. Son corps se détendit alors qu’elle m’envoyait des coups de pieds dans les jambes. Je redoublai d’efforts, maintenant son cou énergiquement. Serrer les mains, sans me poser de questions. Sa résistance faiblissait. Dans un dernier sursaut elle m’envoya un coup de genou dans le bas ventre, sans conséquence. Elle était déjà à bout de force. Je regardai la vie l’abandonner, elle bleuissait. Le manque d’oxygène avait déformé ses traits. Son corps devint lourd. Je ne tenais plus qu’une poupée de chiffons,  inerte.

J’avais réussi.

Quelqu’un tambourina à la porte. Agacé.

Surtout ne pas céder à la panique. Je me mis à respirer profondément pour retrouver mon calme. Il finira par s’en aller ailleurs. Respirer. Souffler. Respirer.

J’attendis dix minutes pour ouvrir la porte et regarder dans le sas. La voie était libre. Je tenais le corps d’un bras pour basculer la clenche et jeter le corps sur le ballast. La poignée résista, impossible d’ouvrir. Je me précipitai sur l’autre porte mais ce fut pareil.

La panique me prit. Que pouvais-je faire ? Comment allais-je m’en sortir ? Comment pouvais-je finir ce que j’avais commencé ?

Fred le tueur fou n’avait pas terminé sa nouvelle du mois. Enfermé dans un asile psychiatre il vivait au Pavillon de la Mésange depuis 1987. Son procès aux Assises de la Seine avait déclenché la fureur des médias et de la population. Jugé irresponsable par les experts il avait été confié à un établissement spécialisé. Depuis, il écrivait, racontant ses massacres dans la revue Crimes et Châtiments, publiée chaque mois. Sur la photo de couverture une femme se consumait dans les flammes du foyer d’un four à bois.

Fred le tueur fou fut décapité dans sa cellule ou plutôt pendu avec un fil de pêche.

Voici les mots de la semaine :

Erreur – tendresse – train – thorax – scolopendre – lutte – inconnu – inexorablement – boue – pavillon – compagnie – foyer – neige – étude – mésange – flocon – accoster – désorienté – parcours – tomate – chanter – gare – livre

Jeu organisé par Olivia (cliquer sur le logo)

30 réflexions au sujet de « L’heure avait sonné »

  1. Ton tueur mérite la chaise électrique! rétablissons la peine de mort pour les psychopates ils finissent par s’attaquer aux enfants . La strangulation d’une jeune fille montre des troubles sexuels avancés, une étape clef vers l’impuissance. Ce genre d’individu est une concurrence déloyale pour les pros syndiqués inscrits à la chambre commerciale du meurtre.

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    1. Chaise électrique, non ! La bonne vieille hache ou la guillotine, oui ! Cocorico
      Je n’avais pas ciblé d’enfant particulièrement, une jeune fille dans mon esprit pouvant être aussi une demoiselle de 25 ans.. oufff… Vade retro Viagra !
      Ah oui tu as ta carte du syndicat du crime ? 😯

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  2. Dis donc Olivia, « la Reine du meurtre », tu peux parler !^^ Et Wens, moi qui pensais t’avoir reconnu dans ce tueur psychopathe ! Oh la la ! Je fuis les gares aujourd’hui, promis, tu viens d’en remettre une couche, brrrrrrrrrrrr ! Mais bravo, c’est chirurgical comme style et…efficace ! 😀

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    1. Oh Asphodèle, tu avais reconnu Wens ? Je me demande si j’ai pensé à lui en écrivant, qui sait ? 😕 😕
      Sinon As… t’as rein à craindre ce sont les jeunes filles qui sont agressées. 😀
      Notre GO serait axée sur le crime ah oui ? 😉

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  3. 😈
    Jean-Charles, je préfère encore quand tu écris des histoires de … 😆
    Mama Mia, un vrai sale mec, moi aussi je lui colle une peine de mort !
    Que vous avez les idées noires… ou alors je suis une oie blanche…
    Bonne journée et bises de Lyon

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    1. Bonjour Soène !
      Des histoires de … je ne vois pas à quoi tu fais allusion. 😀 Serais-tu allée lire discrètement ma nouvelle pour le concours WLW sans avoir laissé une trace de ton passage ? 😀
      Les idées noires ? Peut-être à force de lire des choses pas drôles ! 🙂
      Bises d’Alfortville.

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  4. Heureusement qu il s’est fait arrêter ce Fred 🙂
    Indépendamment de cette terrible histoire, écrire sur le thème d’un meurtre est intéressant (cela doit permettre d’évacuer quelques tensions sans passer à l’acte 🙂

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    1. Je n’ai jamais envisagé de faire ce genre de choses. Je n’aime ni le conflit ni la bagarre au quotidien, Alors cette manière d’écrire serait-elle une manière de mettre en scène ce que je ne vis pas ? 😀

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  5. Lu tueur fou est contrarié par la fermeture automatique des portes du train, elles ne s’ouvrent que lorsque le train est en gare…finalement le progrès n’a pas que du bon.

    Beaucoup de morts dans cette édition de l’atelier d’Olivia….qu’en penser??

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    1. Ah oui ? 😀 Oh surprise !
      Je vais chercher sur internet, regarder un peu à propos de cette revue.
      Mon clin d’oeil s’adressait à l’écrivain et l’allusion ne pouvait que couler de source.
      Effectivement Fred est un s….ale mec qu paye ses crimes.

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